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Vie de La Brochure
3 janvier 2020

NECROLOGIE SEVERIN CANAL

J'ai promis une série sur Séverin Canal qui fut archiviste du Tarn-et-Garonne pendant dix ans entre 1926 et 1936. Nous finirons par savoir pourquoi cette série. J-P Damaggio

 

Berranger Henri de. Séverin Canal (1885-1977).

In: Bibliothèque de l'école des chartes. 1977, tome 135, livraison 2. pp. 413-415

NECROLOGIE : SEVERIN CANAL, (1885-1977)

Né à Paris le 7 mars 1885, Séverin Canal devint en 1903 élève de l'École des chartes, dont il sortit avec la promotion du 31 janvier 1907, avec pour condisciples, entre autres, Marcel Aubert et Robert Latouche. Sa thèse sur les origines de l'intendance de Bretagne élucidait un curieux problème. Pourquoi un demi-siècle, ou presque, séparait-il Robert-Auguste de Pomereu, intendant depuis 1689, de ses quatre ou cinq prédécesseurs? Simple apparence, car si Pomereu était le premier à posséder toutes les attributions d'un véritable intendant de province, il succédait en fait aux nombreux commissaires extraordinaires du roi en diverses parties, comme lui ne relevant que du souverain et supérieurs en fait à toutes les autorités civiles. Ce travail, développé à la suite d'une enquête dans les dépôts d'archives bretons, paraîtra en 1911. Plus près de nous, M- Fréville, auteur d'une importante thèse sur l'histoire de l'intendance de Bretagne de 1689 à 1790, adoptera complètement les mêmes vues. Notre confrère, devenu archiviste des Deux-Sèvres en 1909, géra ensuite les dépôts de Seine-et-Marne, de Tarn-et- Garonne et finalement de la Loire-Atlantique (1937-1948). Ce fut dans ces deux derniers postes qu'il donna le mieux sa mesure. La rédaction de nombreux répertoires ne l'empêcha pas de mûrir à Montauban une étude sur Un département exsangue. Études démographiques sur le Tarn-et-Garonne (1934). Assurément, les méthodes statistiques se sont perfectionnées depuis, mais cet ouvrage contenait, outre des chiffres significatifs, un commentaire fondé sur l'expérience du pays et de ses habitants. Véritable enquête menée avec une liberté d'esprit dont témoigne, par exemple, le portrait sans complaisance de la Dépêche de Toulouse, alors omnipotente sur les rives de la Garonne.

Déjà significative est la dédicace « à la mémoire des paysans obscurs des Pyrénées et du Languedoc, de la Bourgogne et de la Lorraine qui m'ont transmis avec le sang le goût de la vérité et le culte du devoir. A nos enfants ». Citons encore la publication, avec Antoine Perbosc, de diverses chartes et coutumes du Quercy en langue d'oc (1929).

Installé en 1937 à Nantes, où Emile Gabory lui avait légué un dépôt neuf d'un confort insolite pour l'époque, M. Canal acheva tout d'abord le répertoire de la volumineuse série В (près de 13.000 articles) auquel s'ajoutèrent ceux des séries II G et T, sans parler de nombreux catalogues manuscrits. Sa contribution à l'histoire locale représenta un véritable tour de force : il prit pour sujet la Compagnie de Jésus à Nantes, dont les papiers avaient totalement disparu. Comme les Archives nationales à Paris, pas plus que les archives du Gesù à Rome, ne permettaient de combler pareille lacune, l'auteur dut entreprendre une longue et patiente recension des archives départementales à Nantes et à Rennes, communales à Nantes. Ainsi fut-il en mesure de retracer les vicissitudes des Jésuites nantais de 1662 à 1772.

Ce beau travail ne parut qu'en 1946, deux ans avant la retraite.

Mais il faut ici rappeler l'effort qu'exigea entre 1939 et 1945 la protection des archives contre les risques de guerre. Pour replier une partie de ses collections, Severin Canal avait porté son choix sur le château de Carheil en Plessé, que son isolement semblait préserver de tout mécompte. Une sélection des plus précieux documents, où figuraient entre autres les cent dix cassettes du chartrier ducal de Bretagne, au total vingt-six mètres cubes, partit en mai 1940 vers la destination prévue. Trois mois plus tard, la sécurité de ce refuge se trouvait fort réduite par l'arrivée imprévue d'occupants, chez lesquels l'étiquette « Trésor des chartes » éveillait des curiosités étrangères à l'érudition. Mieux valait revenir à Nantes. M- Canal en obtint aussitôt les moyens, puis s'enquit d'un nouvel et plus sûr abri.

Quand se précisa la menace des bombardements aériens, cet abri fut le château de Beaupréau, en Maine-et-Loire. Décision vraiment heureuse : en août-septembre 1944, alors que Beaupréau restait intact, Carheil, aux confins de la « poche » toute nouvelle de Saint-Nazaire, subissait les ravages de l'incendie.

La personnalité de Severin Canal n'était point de celles qui passent inaperçues. A de profondes convictions religieuses, il joignait beaucoup de droiture et une grande indépendance de jugement. Ce portrait offrirait des lacunes si l'on passait sous silence l'humeur assez vive et la franchise sans détours du modèle. Un tel caractère, digne d'estime à tant d'égards, ne semblait pas en tous points le mieux fait pour apaiser les orages administratifs. Notre confrère en essuya plus d'un dans ses divers postes départementaux, sans jamais que fût mise en cause sa valeur morale et professionnelle, que reconnurent la croix d'officier de l'Instruction publique (1930) et celle de chevalier de la Légion d'honneur (1947).

Au terme d'une longue retraite que traversèrent de cruelles épreuves, dont certaines relatives à la guerre d'Algérie, il s'est éteint à Monferran-Savès (Gers) le 2 avril 1977, âgé de quatre-vingt-douze ans. Avec les regrets de tous ceux qui l'ont connu, il mérite, pour avoir efficacement protégé les archives confiées à sa garde, la durable reconnaissance des érudits nantais et bretons.

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