Ingres, dessins, 1921
Je l'avoue, je ne m'étais jamais posé la question des croyances religieuses d'Ingres sauf qu'à Montauban elles ont eue très longtemps une grande importance et aujourd'hui encore, quand on se souvient que Mme Barèges est protestante, mais bon, l'essentiel de cet article c'est le projetceur braqué sur le dessinateir plus que sur le peintre, fait rare à l'époque. XXème siècle était un quotidien de gauche lié à la Franxc-maçonnerie. J-P Damaggio
XXème siècle 10 mai 1921
En Passant
Ingres, peintre français
Tandis qu'en ambassadeurs magnifiques, la Hollande nous envoie Rembrandt, Ruysdaël, Vermeer, c'est un peintre français que l'on fête dans une galerie voisine, au bénéfice des mutilés de la face.
Peintre français, Ingres l'est par la sûreté de sa technique, par la solidité de son art, par la lumineuse vérité de son œuvre ; et il le serait complètement, idéalement, si à la discipline de ses pinceaux, se joignait un peu plus cette étincelle d'esprit, cet éclat d'imagination qui, dans notre caractère national, s'allie à la raison.
Au temps où certains de mes amis, qui sont devenus de vrais artistes, végétaient dans les ateliers de l'Ecole des beaux-arts, ils avaient coutume de blaguer Monsieur Ingres — comme ils l'appelaient — ce « professeur de dessin », que leur évoquaient trop leurs pions sans envolée, poussant trop loin le scrupule de la ligne au détriment des fantaisies de la jeunesse. Ils en sont revenus aujourd'hui.
Professeur de dessin, certes, Ingres le fut. Mais il le fut admirablement, avec une logique, une mesure, une habileté qui furent rarement égalées. Peu de grâce, pas d'éclat dans son œuvre, mais une charpente solide, une sorte de réalisme dans la composition; pas de distraction, point d'école buissonnière, mais un équilibre sain, une santé forte, quelque chose de protestant — car Ingres était protestant — dans le scrupule du vrai et la conscience de l'exécution.
Et il serait à souhaiter que les cubistes, futuristes, dadaïstes et autres forcenés en istes, et même certains de nos artistes choyés dont le talent est fait de brillant et d'idées, aient pris auprès de Monsieur Ingres quelques simples leçons de dessin.
Et, en observant les prodigieux croquis du musée de Montauban; les dessins si fouillés, qu'ils semblent de la gravure, les admirables portrait, que l'art de notre éminent confrère M. Henry Lapauze et l'initiative du très éclectique comte Etienne de Beaumont ont réunis rue de la Ville-l'Evêque, je ressentais" encore cette émotion de puissance irradiante qui fait d'Ingres un grand, un vrai peintre français. Raymond LANGE.