Tanguy Prigent paysan ministre

Saint Jean du Doigt est un lieu très touristique du Trégor breton. A cause de ce qu’on appelle les enclos paroissiaux. Celui de ce village est un lieu de pèlerinage très connu. Ceci étant l’originalité de la photo ci-contre ne tient pas à la croix mais au bleu superbe de ce ciel breton. Pour faire mentir les nuages accrochés à l'idée de ce département qu'est le Finistère.

En arrivant beaucoup de gens se garent place Tanguy Prigent sans plus d’attention à ce nom étrange.

Mais s’ils veulent en savoir plus ils peuvent s’avancer devant la mairie accolée à l’église et découvrir la plaque ci-contre.

Tanguy Prigent  (1909-1970) fut en effet un paysan exceptionnel que j’ai croisé en étudiant le cas de Renaud Jean (1887-1961).

En 1936 ils étaient ensemble à l’Assemblée nationale l’un pour le PCF et l’autre pour la SFIO. Deux histoires dont le parallèle est totalement saisissant.

En 1944 Tanguy Prigent et devenu ministre et a réussi à obtenir ce que Renaud Jean n’avait pas pu imposer : un statut du fermage et du métayage favorable aux paysans. Une question cruciale. Député il le fut à partir d'un ancrage villageois qui le vit maire de 1934 à 1978 ! 

Grâce au dynamisme culturel breton Tanguy Prigent a eu une très belle biographie de Christian Bougeard aux Presses universitaires de Rennes.

Pour bien comprendre le cas de ce personnage il fut l’un des députés socialistes qui en 1940 a refusé de voter les pleins pouvoirs à Pétain. Renaud jean aurait fait pareil mais il était en prison en tant que député communiste.

Deux histoires parallèles qui me rappellent la responsabilité de la SFIO tout comme celle du PCF dans le massacre des intelligences qui scandent leur histoire. Grâce a soutien acquis dans leurs

modestes villages, Samazan pour l’un et Saint Jean du Doigt pour l’autre, ils purent résister à la machine à normalisation des directions politiques et éclairèrent un temps des stratégies politiques authentiquement démocratiques.

Renaud Jean a été obligé de se taire à partir de 1945.

Tanguy Prigent finira au PSU.

Ils étaient paysans propriétaires ce qui signifie pour ceux d’entre eux qui avaient des idées à défendre qu’ils pouvaient le faire en toute indépendance.

C’est inversement leur métier qui leur apprenait l’importance des idées à défendre. En lien avec la société mais sans se soumettre aux idées dominantes de cette société. Tout l’art des politiques authentiques est là. Inutile d’avoir de belles idées si on ne peut les faire partager. Inutile d’avoir les idées les plus partagées car elles sont l’idéologie dominante.

Tanguy Prigent et Renaud Jean symbolisent à mes yeux le XXe siècle français car leur histoire ne peut plus avoir court. De part la marginalisation de tels paysans, avec en face la domination partout de la technocratie.

Au risque de choquer je précise que de tels paysans furent au cœur de la Révolution française qui leur distribua la terre, et au cœur de la révolution soviétique qui leur distribua aussi de la terre (au départ), révolutions présentées comme étant essentiellement urbaines. Loin de moi l’idée de minimiser la part urbaine ou la volonté d’opposer les deux, mais simple souci de rétablir un équilibre. J-P Damaggio