Rugby et politique, ici et ailleurs

Je l’avoue je ne m’étais jamais vraiment posé la question des rapports entre rugby et politique. Bien sûr l’entrée au gouvernement comme secrétaire d’Etat de Sarkozy, de Bernard Laporte, avait alimenté quelques chroniques sur le thème, le rugby est-il de droite ? Mais jusqu’à ces derniers jours, le thème m’avait laissé froid.

Comme toujours c’est en prenant la mesure du sujet localement que j’ai compris qu’il fallait le prendre sérieusement. Dans mon canton un ancien international de rugby est candidat. Dans ma communauté des communes le président est un ancien joueur (le précédent aussi). Dans ma commune le maire est un ancien joueur. Pendant très longtemps le maire de Castelsarrasin était un ancien joueur.

Et en Tarn-et-Garonne, le nom de Jean-Michel Baylet en a franchi les frontières, et même si ce n’est pas en tant que joueur de rugby, il a eu chaussé les crampons si bien que même sans mandat national, il fait partie du XV parlementaire, entendez les élus, anciens élus et autres liés au rugby, et ils ne sont pas que quinze. De Louis Alliot (RN) à Alexis Corbières (LFI) la liste des membres de ce club est surprenante, dans le sens où ce type de club n’existe que pour le rugby. Les joueurs ou anciens joueurs de football, de basket n’éprouvent pas la même envie de communier dans un tel club.

A noter ce phénomène, ma surprise est telle que je me suis rendu compte seulement à présent, que la victoire décisive de Brigitte Barèges à Montauban en 2001, tenait peut-être à la présence sur sa liste de deux grandes figures du rugby : André Garrigue et Francis Bourgade.

Pour André Garrigue qui était le dernier nom de la liste, son engagement politique était ancien. Plutôt centriste il avait été conseiller général et J-M Baylet n’a jamais cessé de tarir d’éloges à son sujet (solidarité rugbystique?).

Pour Francis Bourgade figure emblématique de l’équipe championne de 1967, l’engagement politique était nouveau et il fut le seul (il ne fera pas un mandat de plus).

Alors le rugby est-il de droite ? Denis Tillinac est là pour le confirmer.

En fait voici toute la question : qu’est-ce que la droite, qu’est-ce que la gauche ?

Quand en1941, sous la férule du ministre des Sports de Pétain, Joseph Pascot l'ancien ouvreur international du XV, le rugby à XIII est dissout, ses archives brûlées, ses dirigeants emprisonnés, c’est en fait l’œuvre d’un radical ! Comme René Bousquet fut un radical ! Après la Libération la direction du Jeu à XIII reconstituée a signé à l’unanimité avec la gauche, le fameux Appel de Stockholm.

Denis Tillinac, homme de droite, grand défenseur du rugby, ne reconnait plus le rugby actuel dont les vestiaires ne bruissent que de mots du genre «défiscalisation». Le professionalisme a-t-il tué les valeurs de droite du rugby ?

Alain Duhamel qui peut parler de tout en tout temps ,écrit sur Libération en 2007 :

« Les valeurs du rugby, ses ressorts, son inspiration, ses principes et ses règles, ce qui en fait au sein du monde sportif une sorte de religion à part, baroque et extravagante, ces valeurs penchent inconsciemment mais indubitablement à droite. »

Vous avez bien lu : indubitablement !

Il insiste :

« L'agressivité, la puissance, le sacrifice de l'affrontement, le goût de la castagne, l'esprit de corps farouche, la passion de la prouesse, du dépassement de la volonté jusqu'à l'héroïsme, tout cela sonne plus martial que jaurésien. »

Pourtant fait étrange : le Sud-ouest, terre jaurésienne, est aussi terre de rugby et les instituteurs ont joué leur rôle dans sa diffusion !

Le président actuel du XV Parlementaire est Philippe Foliot maire de droite de Castres et ancien joueur de cette équipe. Dans le Tarn, Castres-Mazamet n’était pas la terre de Jaurès plutôt tourné vers Albi qui n’a pas d’équipe professionnelle. Encore le rugby à droite d’autant qu’Albi a une grande équipe de XIII ?

Un autre journaliste note : « Pour l'écrivain Jean Lacouture, grand amoureux de ce jeu, la réponse est aussi touffue que le chignon de Sébastien Chabal. «Le rugby, c'est le contrôle de la violence par la loi, dit-il. Le problème est de savoir si la violence est plutôt de droite ou de gauche. L'Histoire nous apprend qu'en la matière il y a match nul.» »

En fait le rugby peut devenir un moyen de redonner sens aux mots et alors il est politique. Ce qu’Alain Duhamel appelle « esprit de corps » nous pourrions l’appeler sens de la solidarité. J-P Damaggio

P.S. Sur le dessin de Rosendo Li qui présente le bureau municipal de Brigitte Barèges en 2001 je pense que Bourgade et sur l’extrême-droite au premier plan en tant qu'adjoint au sport mais je ne suis pas sûr.

P.S. Bien sûr l'évolution du rugby comme de la société depuis 1995 fait que cette histoire s'achève.

Comments

[Livre social]

Oui il y a eu aussi le cas d'André Quilis et de Robert Barran évoqués sur le journal de la CGT qu'il m'arrriva de reproduire

http://viedelabrochure.canalblog.com/archives/2021/03/21/38878404.html

[Guy Jamme]

Tu ne cites pas François MONCLA, capitaine du XV de France et...

Militant de la CGT et du parti communiste, il a manifesté publiquement contre l'Apartheid en Afrique du Sud lors de la victoire de l'équipe de France à Johannesbourg en 1958. Il est sur la liste Front de gauche des élections municipales 2014 de Pau..