Un président communiste pour le Chili ?

La question peut paraître un peu ridicule pourtant elle est sur toutes les lèvres au Chili !

L’homme s’appelle Daniel Jadue, il est d’origine palestinienne et est membre du PC Chilien depuis longtemps.

Dans le double contexte de l’éclatement politique et de la désunion à gauche, les sondages lui donnent 19% pour les élections de novembre 2022 et le placent en tête au premier tour, pouvant donc gagner au second tour. Un peu comme Pedro Castillo au Pérou sauf, encore une fois avec de multiples différences.

Daniel Jadue est depuis longtemps un militant communiste et à ce titre il est devenu maire d’un quartier populaire de Santiago, La Recoleta. Il est diplômé en Architecture et sociologie, il a 53 ans.

La question est dans l’actualité car le 28 juin il y a des primaires qui doivent désigner le candidat de Gauche. Il a contre lui, Gabriel Boric un membre du Frente Amplio, ce type de courant politique rénovateur de la gauche qui s’était imposé en Uruguay.

En fait c’est plus la personne que le parti qui attire des soutiens car il fut toujours un critique… de son parti.

Il a une forte capacité à unir divers courants.

Si on prend les dernières élections pour la constituante le PC seul a obtenu 5% mais dans le cadre d’une alliance avec divers groupes (dont le Frente amplio) le résultat a été très bon soit 18%.

Le centre gauche avec le PS a fait moins : 16%.

Comme indiqué Daniel Jadue est maire de La Recoleta depuis le 6 décembre 2012 et c’est de sa gestion municipale que lui viennent les soutiens. Il y crée d’abord une pharmacie populaire pour faire chuter les prix des médicaments (idée ensuite reprise dans 150 municipalités) face au monopole de l’industrie pharmaceutique, te vu ce succès il crée ensuite des magasins d’optique dans le même sens et aussi une agence immobilière, une librairie populaire et un magasin de disques populaire.

C’est par cette action concrète qu’il marque les esprits, action qu’il a toujours opposé aux arrangements de couloir entre le PC et le PS pour le partage du pouvoir gouvernemental (Bachelet avait fini par accepter l’union avec le PC autant qu’avec le centre-gauche). Ceci étant, même si Daniel Jadue a été contesté en interne pour ses positions, les alliances avec Bachelet ont familiarisé les Chiliens avec l’idée que le PC pouvait être un parti de gouvernement.

Ceci étant le phénomène Daniel Jadue reste fragile et fait penser au cas de Marco Enríquez-Ominami qui, venu de la frange socialiste a tenté en 2009 de briser le bipartisme classique entre centre droit et centre gauche ce qui lui avait permis d’atteindre le score de 20% à l’élection présidentielle. Quatre ans plus tard, armé cette fois d’un nouveau parti, PRO (parti progressiste) il n’avait obtenu que 11%, le PS ayant su tenir compte du nouveau contexte en se donnant une image plus à gauche. Je rappelle qu’aux présidentielles il y avait une entente entre le PS et la Démocratie chrétienne pour des candidatures alternatives.

Quatre ans plus il était tombé à 5% et il a arrêté son combat.

La leçon majeure des élections à la Constituante est simple : les forces citoyennes l’ont emporté sur les partis classiques. Il reste à suivre comment va évoluer le rapport des forces. J-P Damaggio