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Vie de La Brochure
12 juillet 2021

Zadkine en 1933 et la Belgique

Voici la suite du feuilleton Zadkine. En 1933 célébré par une revue israélite n'engage à rien mais en 1940... JPD

 

UNIVERS ISRAELITE 24 février 1933

LES ARTS

Zadkine Dans la revue «Beaux-Arts», que dirige M. Georges Wildenstein, le jeune et déjà célèbre critique d'art, belge, M. Paul Fierens, parle du sculpteur Zadkine, qui vient d’exposer à Bruxelles :

Zadkine aujourd’hui qui, par l’âge et par l’esthétique, appartient à la génération de l’après-guerre et à l’école dite de Paris, se voit honoré à Bruxelles comme jamais encore il ne le fut. A Venise, l’été dernier, il connut un succès d’autant plus significatif que l’Italie, les souvenirs de Rome et de Florence n’entrèrent pour rien ou pour peu de chose dans l’élaboration de son style et de ses manières. Zadkine est plus près de la Flandre expressionniste que du classicisme latin. Nous doutons même que la France ait accepté de reconnaître en lui un artiste de sa lignée, de son bord. Pourtant, ce Russe naturalisé Français a quelque chose d’un imagier médiéval. Mais la Belgique, de bonne heure — l’Angleterre aussi — rendit hommage à ses talents et même les utilisa à des fins architecturales. Zadkine vient de terminer, pour le plus vaste et le plus beau cinéma de la capitale belge, un bas-relief de dix mètres de long dont le dynamisme s’accorde à celui des images projetées sur l’écran. II se pourrait qu’à un moment donné — certaines gouaches en témoignent et certaines anatomies, certaines têtes géométrisées qui se situent vers 1927 — l’artiste ait subi l’ascendant d’un Gustave de Smet, d’un Permeke. Toujours est-il qu’il y a des rapports, des correspondances entre la vision de ces peintres lyriques et celle de l’auteur du colossal Orphée.

Il semble aussi qu’au Musée de Tervueren Zadkine ait interrogé longuement les masques et fétiches congolais. Le nègre, le gothique et le « moderne » répondent au même besoin d’un ordre qui méprise un peu les données de l’observation, de l’expérience, et qui se fonde sur le sentiment. Plus que le corps, l’âme est intéressée à ces déformations, à ces allongements, à ces « hanchements » pathétiques où s’extériorise le mouvement de la vie profonde et qui ne trouvent dans l’aspect, dans l'apparence du modèle, ni leur point de départ ni leur justification. L’esprit invente, livré à lui-même, des divisions de l’espace, des volumes et des profils. Il les organise selon telle idée qu’il se fait du rythme, selon telles prédilections qu’il nourrit pour la ligne droite ou la courbe, pour le cylindre ou le cube. Nul, d’ailleurs, ne s’avisera, pensons-nous, de rattacher l’œuvre de Zadkine au cubisme. Elle procède moins du raisonnement, du calcul que de l’intuition d’un équilibre, constamment remis en question, entre les plans, les saillies et les creux, l’ombre et la lumière qui s’y accrochent.

L’esprit pénètre la matière. Entre elle et lui, une lutte amoureuse : l’art est toujours cela, mais celui de Zadkine plus franche ment, plus loyalement qu’aucun autre. Ce sculpteur montre à l’égard de toutes les pierres, de tous les bois, les durs et les tendres, les exotiques, les démocratiques, la compréhension la plus respectueuse. Il ne les violente point. Il les travaille comme en s’identifiant à leur masse, s’incorporant à leurs grains, à leurs fibres. La taille directe est son vrai domaine. Dans le modelage, il ne réussit pas toujours à oublier ses habitudes, ses façons de praticien et certains de ses bronzes peuvent offrir des structures, des découpures, aux partis pris inexplicables. Dans l’œuvre multiforme, multicolore, nerveuse et puissante qui remplit admirablement une dizaine de salles du Palais des Beaux-Arts, on ne mettra rien au-dessus de certain torse de basalte, d’une série de bustes où la vie des surfaces dans le clair-obscur équivaut à l’expression d’un éclairage intérieur, d’une pensée et ces héroïques figures, jaillies des troncs d’arbres, que sont la Porteuse d’eau, le Saint Sébastien, l’Orphée, le Sculpteur.

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