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Vie de La Brochure
17 juillet 2021

Pierre Gamarra et Voltaire en 1944

pierre Gamarra 20 11 1944

Le 20 décembre 1944 sur Les Lettres Françaises, Pierre Gamarra célèbre Voltaire. J-P Damaggio

 

1694 Louis XIV sans un allié tient tête à l’Europe. Guerre de la Ligue d’Augsbourg. Victoires françaises aux Pays-Bas et en Italie. Mais la grandeur du règne se fait de plus en plus terrible et pesante. On cherche l’argent  «jusque dans les os des sujets».

Bientôt, à Versailles, même les laquais auront faim. Dans un an, La Fontaine mourra, dans cinq ans Racine. Des craquements de plus en plus significatifs ébranlent une société où ceux qui peinent et produisent ont l'étrange audace d’avoir faim et de vouloir bientôt demander justice.

Le 21 novembre 1694 naît à Paris François-Marie Arouet. C’est le dis d’un notaire, « Entant intelligent, mais polisson insigne », diront de lui les Pères Jésuites de Louis-le Grand. A vingt ans, c'est un grand garçon aux yeux pleins de feu et de malice, et la bouche mince et moqueuse. Très vite on le remarque, mais il parle beaucoup et il écrit trop. On l’embastille onze mois. Il écrit une tragédie. Nouveaux succès. Il s’appelle maintenant M. de Voltaire. Un grand seigneur le fait bâtonner. Comme il proteste on l'envoie de nouveau à la Bastille.

C'est l’expérience de l'inégalité et du despotisme.

Il a promis de disparaître en Angleterre. En trois ans de séjour, il va apprendre la liberté et les libertés, acquérir définitivement le goût des sciences et du progrès social ou économique. Revenu en France, il publie en 1734 les «Lettres Philosophiques». Tout Voltaire explosif et démolisseur est déjà là. Décrété d'arrestation, il s’enfuit à Cirey. Il rentre à Paris dix ans après en triomphateur.

Puis c’est l’ultime expérience, celle de la servitude dorée, le départ pour Potsdam, près de Frédéric II, la brouille après trois ans, l’indépendance enfin. Mais Voltaire est allé pour jamais à l’école de la méfiance. Il achète les Délices, près de Genève, et Ferney, en France. Le voilà garde de toute tracasserie de France ou de Suisse. Et là, de 1760 à 1776 le roi Voltaire va gouverner le monde et saper les bases de l’ancien régime,

Il a écrit cinquante volumes d’œuvres diverses : poésie, théâtre, pamphlets, œuvres et contes philosophiques, lettres à plus de sept cents correspondants. Cet écrivain encyclopédique fut essentiellement un écrivain de combat, un véritable journaliste. Sa plume était une arme et il acquit de la clandestinité ce goût de la valeur ramassée et corrosive, cette âpreté et cette hâte qui donne aux mots interdits leur poids si précieux d'enseignement ou de sarcasme.

Génie de la méfiance, génie négatif, a-t-on dit. Et, certes, il y avait tant à détruire, tant d’abus, tant de vénalités, tant de mensonges et tant d’accoutumances, de ceux-là même qui souffraient l’injustice.

 Voltaire combattit pour la liberté de conscience, la liberté de conscience, la liberté de la personne, pour que l’impôt pesât également sur tous, pour que justice égale, dignité humaine. Et s’il contribuait à ruiner des institutions poussiéreuses et sanglantes, à coups de ricanement, et de boutades célèbres, il construisit aussi.

Nul plus que lui ne vulgarisa, ne mit à la portée de quiconque les plus pesants systèmes philosophique, et apprit aux gens à penser à force de moqueries et de courte formule saisissantes.

Il écrivait au moment de l’exécution du toulousain Calas, au moment où les Sirven de Castres étaient décrétés d’arrestation : « Je n’ai fait vile suivre mon penchant. Celui d’un philosophe n’est pas de plaindre les malheureux, c’est de les servir. » Et il ajoute : « Des gens qui ne raisonnent pas ont voulu discréditer ceux qui raisonnent... Le vrai philosophe augmente le nombre de charrues, occupe le pauvre et l’enrichit, ne murmure point contre des impôts nécessaires et met le cultivateur en état de les payer, il n’attend rien des hommes et il leur fait tout le bien dont il est capable »

Comme ces mots peuvent recevoir une application actuelle en des temps ou le fascisme sous toutes ses formes a cru pouvoir nous réduire à ses fins en nous dispensant tant de maximes hypocrites, tant de caricatures de générosité sociale ou humaine, en des temps où les trusts règnent et non pour notre bien gratuit.

Car au fond cette raison et cette tolérance pour lesquelles Voltaire s’est battu tant de fois c’est très simplement le bon sens qui devrait triompher toujours, certes, mais que les tyrans et les profiteurs de toutes les époques, se sont acharnés à troubler, à étouffer.

Ecoutons Voltaire : « Lequel vaut mieux que votre Etat soit un Etat monarchique ou républicain? Demandez la solution aux riches ils aiment tous mieux l’aristocratie, interrogez le peuple, il veut la démocratie. Bien sur. C’est le bon sens cela. Un républicain est toujours plus attaché à sa patrie qu’un sujet à la sienne par la raison qu’un aime mieux son bien que celui de son maître. » Qui ne comprendrait? Et

lorsque Voltaire affirme : « Le citoyen d’une République se battra toujours mieux que celui d'une monarchie », il n’est pas besoin de longs discours pour comprendre que l’on se bat mieux pour un pays où la terre porte des fruits justement répartis où la loi est faite pour tous et par tous et où le citoyen peut dire, en chaque endroit : ici commence mon domaine.

On a reproché à Voltaire de n’avoir fait que répéter constamment les mêmes choses. Hélas cela n’a guère servi, car ses leçons demeurent bonnes et nous aurons à les écouter souvent. La maigre et ardente figura ironique du vieil Arouet domine encore notre époque.

Pierre Gamarra

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