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Vie de La Brochure
6 février 2022

Paul Ariès, un roman !

ariès

Le dernier numéro de Marianne propose un long article de Solange Bieb-Charrenton, au sujet des divers aspects de la Décroissance. Paul Ariès y est évoqué et que je découvre qu'il vient de proposer un roman ! JPD

 article de Marianne

« Des chapelles multiples... », s’amuse Paul Ariès, militant de la décroissance et, tout à la fois, politologue spécialiste de cette sensibilité écolo. Il est l’auteur du roman d’anticipation le Meilleur des mondes végans (À plus d’un titre, 2021), consacré, avec beaucoup de dérision, au mouvement antispéciste. Dans une vie antérieure, Ariès a été à l’origine du Sarkophage, contre tous les sarkozysmes, un journal d’analyse politique antisystème aux signatures diverses. Depuis 2011, il est le rédacteur en chef des Z’indigné(e)s, une revue actuellement en sommeil. Mais on retiendra surtout qu’il a été responsable des pages politiques du journal de Vincent Cheynet, la Décroissance, avant de claquer la porte, en 2011, à cause d’un désaccord de fond. Alors que le politologue souhaitait ancrer la décroissance à gauche, le directeur du mensuel, lui, souhaitait s’affranchir des clivages traditionnels. Vincent Cheynet écrit même à ce propos, dans son essai Décroissance ou décadence (Le Pas de côté, 2014), que son mouvement « s’oppose à la fois à la gauche dans son refus de l’idéologie progressiste et à la droite par son anticapitalisme ». Quand on vous dit que la décroissance, c’est compliqué...

Pour Vincent Liegey, ingénieur de formation, porte- parole du Parti pour la décroissance, que Vincent Cheynet a cofondé, puis quitté, «ces divisions sont inhérentes à l’émergence de tout mouvement politique radicalement critique avec le système dominant, car il embrasse des fortes personnalités, souvent dures, aptes à se marginaliser. Il existe des ego forts dans les organisations ».

Manière d’évoquer, en filigrane, la personnalité du directeur de la Décroissance ?

Vincent Liegey est un proche d’Ariès, avec qui il a lancé l’appel Europe Décroissance, en 2008. Il parle avec un dépit mêlé d’admiration de cette figure fondatrice du mouvement en France : « J’ai beaucoup de respect pour Cheynet mais, malheureusement, il ne souhaite plus me parler. C'est un génie, qui a eu une intuition extrêmement juste en lançant le terme décroissance dans le débat de société. » Venant du monde de la publicité, Cheynet est en fait l’un des premiers à avoir décrypté le green washing autour de l’expression « développement durable ». Dominique Bourg, qui au départ accordait du crédit à cette expression, a lui aussi compris la nécessité d’employer un mot qui ne puisse pas être réappropriable. Ce professeur honoraire de philosophie de l’université de Lausanne a été candidat d’Urgence Écologie aux élections européennes de mai 2019, dans le sillage de Delphine Batho. Il a recueilli 1,8 % des voix. Depuis, il est retourné à la philosophie. « On a eu 29 000 € de frais de campagne reconnus par la Commission nationale des comptes, précise-t-il. C’était vraiment une campagne low-tech ! »

Des notions plutôt conservatrices?

Avec Dominique Bourg, on s’est demandé s’il existait des conservateurs décroissants. Il nous rappelle alors la présence d’Antoine Waechter sur la liste Urgence Écologie de 2019, avocat « d'une écologie beaucoup plus conservatrice sur le plan des mœurs, qui valorise l'ancrage dans la campagne. Les jeunes n’y sont pas sensibles, parce qu’ils sont tous urbanisés, détachés de la nature ». « Il faut aussi signaler l’ouvrage d’Alain de Benoist Demain, la décroissance !, publié à la fin des années 2010, nous rappelle Paul Ariès. D’autant que l’intellectuel de la nouvelle droite avait déjà consacré un numéro de sa revue, Éléments, à la décroissance dès 2005. » Qu’en est-il de la revue d’inspiration catholique Limite, qui prône l’écologie intégrale, une approche qui penche vers la critique anthropologique ? Pour Ariès, c’est limpide, il s’agit d’une revue conservatrice, «émanation directe de la Manif pour tous ». Il veut notamment rappeler que Limite prend position contre la PMA et la GPA, en s’inscrivant contre la manipulation du vivant et la marchandisation des corps. Récemment, la revue a néanmoins décidé de faire passer les questions de bioéthique au second plan, au profit des thèmes écologiques et sociaux. Philippe Bihouix, de son côté, classe Limite à gauche. Difficile, encore une fois, de s’y retrouver. Cet ingénieur, qui est resté proche de la Décroissance, s’est très tôt intéressé au délicat problème des ressources non renouvelables. Il pointe aussi une dissension importante au sein de la sphère décroissante, celle autour de la question de la gratuité et du revenu de base. Pour lui, comme pour Vincent Cheynet, ces idées semblent receler une logique infantile consistant à soutenir l’imaginaire de la société de croissance et d’abondance, où tout est gratuit. C’est là un point de désaccord avec Paul Ariès, qui, comme directeur de l’Observatoire des gratuités, poursuit une réflexion sur le sujet. II y décèle une conception doloriste de la décroissance. « Il est fondamental que le modèle décroissant soit désirable, seul le désir est révolutionnaire. » Vincent Liegey précise, quant à lui, qu’il «faut être très prudent avec la question du revenu de base. Il ne faut pas seulement sortir du capitalisme, mais aussi sortir de la monnaie. » Monnaie régionale pour encourager le localisme, liberté d’accès à certains services publics, trocs ? Les idées ne manquent pas.

Reste une question épineuse : si elle semble plus présente que jamais dans le champ culturel ou idéologique, la décroissance peut-elle exister politiquement ? Comment, par exemple, faire adhérer les partisans de tendances libertaires et autogestionnaires, actuellement dominantes, à l’idée d’un parti, d’une organisation verticale ? Dans ce contexte, le Parti pour la décroissance sert-il à quelque chose ? Au sein de cette grande famille décomposée, il est malgré tout des évidences partagées : la décolonisation de l’imaginaire ou la nécessité de sortir du mythe du bien-être par la croissance. Ouf ! ■ S.B-C

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