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Vie de La Brochure
20 août 2022

Franco réhabilité ?

Baléares 1936

La Guerre d’Espagne a été, pour la planète, un moment crucial de l’histoire du XXéme siècle et à ce titre elle sera toujours au cœur des recherches d’historiens.

Pour ma part j’ai contribué à ces recherches (voir la fin de l’article) en conséquence je suis sidéré par l’offensive qui vient de gagner la France pour réhabiliter Franco avec un long entretien publié par Le Figaro Histoire (voir lien à la fin) accompagnant la traduction du livre de Pio Moa, traduction qui nous arrive avec retard mais avec comme titre de gloire les 300 000 exemplaires vendus en Espagne.

Depuis, Pio Moa a continué ses propres études sur l’histoire de l’Espagne et j’ose l’écrire tout de suite, même à réhabiliter Franco, il mérite notre attention et pas seulement pour répliquer.

1 ) Le rôle de Staline ?

Commençons par le côté international qui nous concerne le plus en France. Pour Pio Moa, Staline avait besoin que la France er l’Angleterre entrent en guerre contre l’Allemagne (pour éviter la guerre avec l’URSS) et il a pensé que la Guerre d’Espagne pouvait contribuer à ce souhait, d’où son intervention massive. Mais ce projet à échoué (voir Munich) d’où ensuite le pacte germano-soviétique, et voilà comment la guerre à Madrid nous renvoie vers ce sujet brûlant et toujours controversé. Ce pacte a abouti au partage de la Pologne et cette fois la guerre France et Angleterre contre l’Allemagne devenait… inévitable. Sauf que la déclaration de guerre fut inévitable… mais pas la guerre… qui s’est déclenchée seulement dix mois après sur initiative… de l’Allemagne !

dos du livre

En Espagne et donc à Munich, Hitler a compris qu’on lui laisserait l’offensive, et TOUS les pays sont responsables de cette erreur stratégique : Angleterre et France car en refusant d’intervenir en Espagne pour ne pas provoquer Hitler ils lui ont laissé le moyen d’expérimenter la guerre du futur ; L’URSS qui en acceptant le pacte ne fait que reporter la guerre sur son territoire à plus tard, et le partage de la Pologne a mis les troupes allemandes à ses portes.

Entre 1933 et 1937 Hitler est arrivé au pouvoir suite à une élection… qu’il avait perdu, et il était encore faible : l’arrêter à ce moment là était autre chose, mais l’URSS avec les procès de Moscou s’est affaiblie, et la lâcheté des démocraties a été immense.

2 ) Le cas de Guernica

Ce fait est devenu un symbole ayant été médiatisé sur la scène internationale d’où l’œuvre de Picasso qui aurait pu choisir un autre lieu, mais il savait bénéficier des médias. Le point crucial est à mon sens l’opération de propagande venue non de la gauche, mais de l’Allemagne qui a tout fait pour faire croire que les Républicains en étaient à l’origine ! A ce jour certains le croient encore ! On parle aujourd’hui de fake news en oubliant que c’est Hitler qui en a fait une arme de guerre ! Les bobards existent depuis toujours mais avec Hitler «plus c’est gros et plus ça passe». Le débat sur le nombre de morts rappelé par Moa est réel et il est clairement indiqué au musée de Guernica, tout comme le prétexte de la fabrique d’armes. Mais je dis prétexte puisque c’est la ville entière qui a été détruite systématiquement ! Un des cœurs de la Guerre d’Espagne touche au rôle nouveau de l’aviation dans une guerre.

3 ) Le cas de l’Italie

Hitler ne peut faire oublier Mussolini et en étudiant la guerre à Majorque j’ai pu vérifier que là aussi l’aviation joue un rôle central et que là aussi, les Franquistes étant dès le début au pouvoir, ils ont tout de même organisé les massacres. Si Bernanos se révolte contre de tels massacres c’est bien parce que, la guerre y étant gagnée par les Franquistes, leur répression avec l’appui de l’Eglise, est devenue une terreur, et non un fait d’armes. On vérifie le présence de plusieurs tendances au sein des Franquistes, avec la Phalange et les fascistes italiens que Franco devra calmer. Et on s’aperçoit aussi des hésitations et erreurs de la gauche d’où cette histoire oubliée sur laquelle je reviendrai en conclusion.

4 ) Les luttes internes aux républicains

Avec Pio Moa on découvre que G. Orwell est utilisé pour glorifier Franco ! Comment n’utiliserait-il pas les divisions au sein de la gauche pour développer son histoire ? Les événements de 1937 à Barcelone constituent le tournant de la guerre tout comme l’année 1937 constitue le tournant de l’histoire du siècle. Et bien que crucial ce point n’a pas donné lieu à un bilan global à gauche ce qui fait que chacun continue d’accuser l’autre. Les communistes et les socialistes accusent les anarchistes et inversement. Sauf que dans le texte de Moa le POUM n’apparaît pas ! Pourtant l’assassinat d'Andreu Nin (qui a préfiguré l’assassinat de Trotsky par un acteur de la Guerre d’Espagne !) est l’acte symbolique par excellence. Comme pour Hitler à Guernica, Staline et les communistes vont nier d’en être les auteurs, se contentant d’en faire un soutien des fascistes ; comme Hitler a fait de Guernica une œuvre cynique des Républicains !

Les guerres sont le lieu de mensonges mais là nous sommes entrés dans l’ère du mensonge industriel ! Avec les articles communistes de 1936-1937 qui font des trotskystes des fascistes cachés, comment en Espagne faciliter l’entente de la gauche?

5 ) Quelle riposte possible ?

Les succès des travaux de Moa (et en France aussi) reposent sur une faiblesse de la gauche. On va me reprocher de pointer encore les faiblesses de la gauche ce qui ne signifie en rien l’oubli de ses combats pour la démocratie, la liberté, la justice ou la paix. Le passé n’est jamais terminé et encore moins arrêté. Comme on le dit souvent : « rien n’est jamais acquis » et en histoire autant qu’ailleurs. Il m’est arrivé d’étudier minutieusement le Congrès des écrivains de Valence en 1937, Congrès que B. Benassar marginalise car il fut une action de Moscou sauf qu’il ne pouvait pas être seulement cela. Par chance un grand débat a permis une confrontation à ce sujet mais entre intellectuels et pas entre historiens. Je rêve d’un livre aussi considérable que nécessaire entre historiens de gauche sur ce seul thème. Comme il faudrait un sur les événements de Barcelone. La gauche a besoin de sortir des chapelles. Si la riposte est une riposte « partisane » chacun défendant sa propre histoire Franco va prendre sa revanche.

6 ) L’exemple de Majorque

C’est par hasard que je me suis trouvé à étudier ce cas et j’ai découvert les effets des divisions à gauche, divisions qui font sans doute que le thème ait été peu étudié. A la victoire franquiste sur l’île dès le premier jour du soulèvement, les Républicains ont riposté par quelques bombardements venus  de Barcelone mais très vite l’aviation italienne est venue mettre un terme à cette menace. Un homme a tenté de préparer un débarquement qui était crucial, l’île étant devenu une plaque tournante du fascisme, un débarquement où il a démontré qu’il pouvait unir (avec difficultés) communistes, anarchistes, socialistes et autres. Mais de Madrid lui est venu un ordre d’arrêter ce projet, plutôt qu’un ordre lui envoyant de l’aide. La guerre vue des Baléares serait peut-être un moyen de sortir des chapelles pour permettre à la gauche un bilan global et honnête de cette guerre qu’elle a perdue (pas seulement en Espagne !). Sauf que je l’ai déjà pointé avec des tas d’exemples, le talon d’achille de la gauche c’est son refus d’analyser sérieusement les défaites, sous prétexte qu’elles risquent de décourager « Billancourt » pour reprendre l’image classique. Or la force de la gauche repose uniquement non sur le mythe mais sur la lucidité sinon elle n’est pas crédible.

 Conclusion

Il m’est arrivé en Espagne d’assister dans un cimetière à un hommage en l’honneur de martyrs de la République. Quand les communistes ont entonné l’Internationale j’ai eu la surprise de découvrir que les anarchistes en avaient aussi leur version, et autant dire que le résultat ne pouvait être brillant. Si les deux tendances étaient présentes c’est que le dialogue existait dans le groupe organisateur, mais alors comment éviter les embrouilles ?

Pour ma part j’ai diffusé quatre livres sur la guerre d’Espagne : un sur Maurice Rajaud, un sur Le Congrès des écrivains à Valence en 1937, un sur les Baléares et un sur Joaquin Arasanz Raso écrit par Anne-Marie Garcia. Et en réponse à cet entretien il y aurait tant à dire...

P.S. Je ne peux répondre à un article sans donner son contenu. Je l'avoue la lecture est désagréable mais on ne peut répondre à un adversaire sans le connaître un peu.

La_publication_des_Mythes_de_la_guerre_civile

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