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Vie de La Brochure
2 décembre 2023

Olympe de Gouges à Moissac

Olympe de Gouges Moissac

Pour son final l’association Lire sous Ogives a décidé d’inviter Olympe de Gouges par mon intermédiaire. C’était ma quatrième causerie sur la devenue célèbre montalbanaise. D’abord chez de Deloche ce fut le cas d’Olympe et sa Lettre du peuple, à la Maison du Peuple, Olympe et ses écrits sur le théâtre, à l’Ancien Collège, Olympe vue par des Montalbanais.

Cette fois j’ai tenté de répondre à cette question : Olympe était telle une révolutionnaire ou une modérée à partir de quatre œuvres : le théâtre avec l’Esclavage des Noirs, la social avec sa Lettre au peuple, le politique avec son procès de Louis VXI et son testament de juin 1791, et enfin la célèbre déclaration des droits de la femme et de la citoyenne.

Ai-je pu donner l’impression que je minimise son féminisme ?

Je l’écris clairement : pour moi Olympe de Gouges n’a pas été fondatrice DU féminisme comme je le lis souvent, mais d’UN féminisme qui est d’ailleurs celui que je partage, même si des efforts sont faits pour le dénaturer.

Pour en rester à la Révolution elles furent trois femmes guillotinées en 1793, Charlotte Corday (17 juillet), Olympe de Gouges (3 novembre) et Manon Roland (8 novembre). Claire Lacombe (arrêtée le 2 avril 1794 échappe de justesse à la mort).

Le cas de Charlotte mis à part, les trois autres représentent les trois féminismes qui depuis la Révolution traversent le monde.

La sans-culotte Claire Lacombe est féministe pour que le mouvement sans-culotte devienne féministe car le mouvement sans-culotte est le seul capable de conduire la révolution. Je classe son féminisme dans le féminisme de la différence (et la différence pourra prendre plusieurs formes comme on va le lire plus loin).

Madame Roland est une féministe bourgeoise : un féminisme de la convention sociale. Mais alors pourquoi la révolution bourgeoise la guillotine ? Car son mari, qui est parti se cacher, était Girondin.

Olympe de Gouges défend un féminisme de la pratique. Un féminisme qui n’a ni à attendre la révolution pour imposer des acquis, ni à se mettre à la remorque des bourgeois pour s’imposer par le pouvoir et encore moins à la remorque d’un mari. Face à la différence, elle reste en faveur de l’universel, un universel auquel il faut accéder c’est vrai, par la différence.

Nous sommes dans le même cas que Frantz Fanon et son antiracisme universaliste.

Pour comprendre Olympe ne masquons aucun de ses aspects d’autant qu’elle parle clair.

D’où ces questions simples :

1 - comment peut-elle défendre les Noirs dès 1783, et condamner leur révolte violente de 1792-1793 ? Car la révolte en passant par la violence fait que les chefs de la révolte exerceront ensuite leur violence contre des Noirs dans une spirale infernale.

2 – comment peut-elle se considérer républicaine dès avant la révolution (tout en défend la monarchie si elle est constitutionnelle), et vouloir se faire la défenseuse de Louis Capet au moment de son procès ? Car de guillotiner un roi c’est en fait rendre service à la royauté.

3 – comment peut-elle proposer une splendide brochure sur les droits de la femme où se trouve sa fameuse déclaration, et la dédier à la Reine en 1791 ? On dédiait des livres aux autorités sous l’Ancien régime car sans leur protection rien n’était possible, mais en 1791 ? Faut-il ne retenir que la déclaration sans tenir compte de la dédicace ou ne tenir compte que de la dédicace en dénigrant la déclaration ? Il n’est peut-être pas inutile de rappeler que comme toutes les Reines elle a été victime d’un mariage forcé !

 Joan Wallach Scott née le 18 décembre 1941 à Brooklyn (New York), est une historienne étasunienne dont les travaux, initialement consacrés au mouvement ouvrier français, se sont orientés à partir des années 1980 vers l'histoire des femmes. Elle s'est intéressée dans La Citoyenne paradoxale, paru en 1996 aux États-Unis, à l'histoire du féminisme français. Ce livre, traduit en 1998, où Olympe de Gouges occupe une grande place, va permettre à la Montalbanaise de franchir un brand pas vers la notoriété.

Jusqu’aux années 1980 les historiens des USA étaient passionnés par l’histoire de France, mais après, les autorités ont décidé qu’il fallait surtout étudier l’histoire de la Chine. Joan Wallach Scott de l’ancienne génération, va étudier le cas français, et donne d’Olympe une version différencialiste pour en arriver aux études de genre. Là se repose la question de la différence. Olympe affiche une différence pour être membre d’un tout qui ainsi va être changé ! L’idéologie made in USA affiche une différence pour échapper à un tout qui ne peut être changé ! Avec parfois cet extrémisme qui rêve d’un monde sans les hommes ! Le différentialisme conduit à l’essentialisme : une femme en soi devient automatiquement révolutionnaire.

Ce n’est pas être un anti-étasunien primaire que de pointer les efforts permanents des USA pour imposer partout leurs idéaux. Et le symbole est frappant : la statue de la liberté venue de France jusqu’à New York, voudrait apprendre à la France ce qu’est la liberté, valeur fondamentale d’Olympe qui en fit un usage concret. Tout comme les auteurs de la Révolution d’octobre en URSS ont voulu apprendre à la France une révolution… qui s’inspirait de l’histoire… française.

Olympe n’est pas la première femme à prendre la plume, mais elle est la féministe qui a osé s’emparer y compris de thèmes réservés aux hommes. Pour sauver la Patrie (son souci majeur) il fallait inclure les femmes dans cette Patrie… et sans attendre elle s’y incluait !

Pour moi, il n’y a rien de tel qu’une causerie pour approfondir ma propre pensée qui mérite bien sûr quelques contestations.

Ma conclusion est simple : pour elle il n’existe de révolution possible que par la modération ! Position politique que l’histoire n’a pas à ce jour validé, mais qui mérite pourtant une grande attention. Position à ne pas confondre avec la social-démocratie qui masque sa modération sous un verbiage révolutionnaire (ou qui joue le révolutionnaire pour masquer une pratique modérée). Olympe le démontre : elle ne masque jamais ni son engagement révolutionnaire ni sa modération. Je considère qu’elle n’a pas fini de surprendre et de prouver qu’elle est toujours d’actualité… sans anachronisme.

 Bref, merci encore pour cette rencontre agréablement agrémentée d’un sympathique apéritif et tristesse de savoir que c’était la fin de l’association.

J-P Damaggio

P.S. Sur la photo je tiens le livre de Benedetto où en1976 on pouvait lire la déclaration des droist de la femme et de la citoyenne... oui en 1976

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