Judtih Cladel face à Rodin

Voici une présentation du livre de Judith Cladel sur Rodin de 1909 (meric la Belgique). Ne cherchez pas à l'acheter il coûte presque 500 euros mais il est accessible gratuitement. Elle en a ensuite écrit bien d'autres jusqu'à la fin de sa vie. Je reprends à la fin son avertissement. JPD. 

Art et décoration (Paris). 1909/01-1909/06.

Auguste Rodin L’œuvre et l’Homme par Mme Judith Cladel, avec une préface de Camille Lemonnier

Un fort volume gr. In-4° (26,5x36) imprimé sur beau papier à la cuve et illustré de 92 planches hors texte, tirées en héliogravure et héliotypie —Prix : 100 francs. G.Van Oest et C'% éditeurs, 16, place du Musée, à Bruxelles.

Si M. Rodin est un des personnages les plus célèbres de son temps, il est aussi un des plus mal connus. Sur ses œuvres, on a écrit toute une littérature. Mais l'homme, son caractère et son esprit restent mal définis, enveloppés d'énigme. Parmi tant de spectateurs et de curieux ou parmi les amis qui l'ont approché et entouré, il ne s'est rencontré, semble-t-il, aucun confident intime, ni aucun observateur impartial et analytique pour recueillir les traits et les détails d'un portrait au naturel.

C'est ce qui fait le prix du livre de Mme Judith Cladel. Admise dans l'amitié de M. Rodin, elle a eu en particulier pendant deux ou trois années l'occasion de le voir souvent, à son atelier, dans des promenades, pendant un voyage en Hollande, et elle a noté avec une admiration sympathique, mais aussi avec une fine curiosité et avec la justesse d'intuition d'une sensibilité féminine les propos de M. Rodin, et elle les a notés après chaque visite ou chaque entretien, immédiatement, dans la fraîcheur du souvenir.— Il n'est pas indifférent de saisir ainsi par aperçus, dans le vif, dans le concret et le rompu de la conversation, quel peut-être, après quelque expérience, le sentiment personnel de M. Rodin sur l'art, sur la beauté, sur les plans et sur le modelé des corps, sur le modelé en architecture, sur la sculpture grecque ou sur la sculpture gothique — ni d'être informé, par exemple, qu'il est comme presque tous les grands artistes, conservateur d'instinct — ni encore d'apprendre quels écrivains il préfère, qu'il goûte Beaudelaire et qu'il aime beaucoup le Rousseau des Confessions — ni même, après avoir écouté M. Rodin de pouvoir conclure, comme on s'y attendait, qu'un grand artiste est surtout une sensibilité instinctive, et une énigme pour lui-même. A sa relation des propos de l'artiste, Mme Cladel a ajouté ses observations, ses croquis de M. Rodin, très physionomiques avec les traits finement saisis de circonspection, de réserve mi-souriante, mi-sournoise, avec cette apparence de Protée qui se dérobe, et cet air d'être toujours secrètement en défense, qui composent le personnage habituel de M. Rodin.

Le livre de Mme Cladel avait paru en 1902. La nouvelle édition donnée par MM. Van Oest est ornée de planches héliographiques et héliotypiques d'après les sculptures, les dessins et les pointes-sèches de M. Rodin qui forment une collection documentaire fort intéressante. Elle comporte un catalogue nominatif des principales œuvres de l'artiste, par date d'exposition, depuis 1864. Ce catalogue, que l'on doit à M. Chéruy, longtemps secrétaire de M. Rodin, offre avec ses 154 numéros contenant chacun une ou plusieurs pièces, sinon une liste complète, du moins la liste plus complète qui ait été constituée jusqu'à ce jour.

François Monod.