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Vie de La Brochure
10 avril 2015

Mélenchon en 1995

démocratie et socialisme

 Dans mes archives j'ai la collection de la revue mensuelle Démocratie et Révolution du n°5 d'avril 1993 au numéro 96 de l'été 2002. D'abord expression d'un courant de la LCR elle abandonne la référence à ce parti dès le n° 18 puis au n°28 elle devient Démocratie et socialisme expression du courant de la Gauche socialiste cher à J-L Mélenchon. J'ai retenu cet article de 1995 car il se situe à un tournant de l'histoire du PS et du pays. L'ère Mitterrand-Rocard est achevée et on passe à l'ère Jospin-Hollande. La Gauche socialiste ayant eu le renfort d'un courant de la LCR pense qu'elle va pouvoir enfin jouer un rôle dans le parti. Le PCF a "perdu" le centralisme démocratique, Chévènement a échoué, les Verts sont au bord de l'explosion donc il ne reste que le PS…

Pour lire un de mes multiples articles sur Mélenchon sur l'autre blog : http://la-brochure.over-blog.com/ comme Mélenchon en l'an 2000 : ICI

Sans jamais avoir été membre ni de la LCR ni du PS, cette revue m'a toujours paru très intéressante comme témoignage d'une tentative de faire évoluer le PS à gauche. On sait le résultat. JPD

 

Démocratie et socialisme n° 29 23 octobre 1995

Etat des lieux au Parti socialiste

L'élection de Lionel Jospin à la tête du Parti Socialiste boucle la série des événements commencée avec son investiture comme candidat des socialistes à l'élection présidentielle. D'un point de vue général, il s'agit d'une stabilisation du dispositif socialiste qui peut être très féconde. Le principal dirigeant du Parti socialiste bénéficie de la double légitimité du suffrage universel des citoyens tel qu'exprimé par les élections présidentielles, et du vote des militants dans des conditions qui mettent un terme à la crise de représentation interne ouverte par le congrès de Rennes. Une formidable occasion est ainsi donnée d'offrir au pays un point d'appui à gauche pour sortir de la crise dans laquelle il vit. Cet atout peut être décisif dans l'atmosphère de décomposition de la droite que nous vivons et face au risque qu'elle devienne le naufrage de notre démocratie elle-même.

Cette stabilité et cette légitimité ouvrent aussi une ère nouvelle pour le débat interne au Parti socialiste au moment où ses enjeux sont les plus cruciaux. Il est bon qu'à l'heure des choix et des propositions toute contribution ne soit plus systématiquement inscrite dans la grille de lecture de la lutte des personnes qui rendait jusque-là inaudible toute confrontation d'idées (pour ceux qui en ont...). On peut aussi attendre de ce contexte que le débat des socialistes, dans la mesure où il rend compte des points de vue différents qui traversent la société elle-même redevienne une source de renforcement parce que chacun à gauche sentira que ce parti est bien redevenu le lieu où s'arbitre l'avenir.

Et c'est naturellement sur cet arbitrage que ce concentre notre intérêt. Le champ, évidemment, est latéralisé il y a bien au Parti socialiste comme dans la société et dans la gauche en général deux «inclinations». La première est héritière de l'ambiance des années 80, persuadée qu'on peut «réorganiser la gare sans perturber le trafic». Pour elle, la prise d'avantages pour le salariat et les chômeurs se négocie essentiellement grâce au retour de la croissance qui permet par un partage graduel de ses fruits une correction croissante des inégalités. Dans l'attente, on colmate les brèches, on panse les plaies. Deux faces aux discours et aux pratiques qui résultent de cette approche : d'un côté le respect scrupuleux de la règle du jeu économique, placé sous l'égide intangible de «la contrainte extérieure» et des «lois du marché», de l'autre la survalorisation de la solidarité individuelle - jusque et au-delà des frontières du caritatif- comme palliatif de la volonté collective supposée impuissante ou franchement dangereuse face à la complexité des équilibres macro-économiques. Peu ou prou, au Parti socialiste, c'est le fond de sauce commun aux nombreuses sensibilités du «pôle rénovateur». L'autre inclination cherche au contraire un chemin de rupture avec la règle du jeu. C'est pourquoi elle valorise surtout les résistances de la société elle-même à la mise en œuvre des logiques libérales. Ces résistances sont autant de points d'appui pour le retournement de situation qu'elle vise.

La faiblesse de ce pôle est aujourd'hui évidente : dispersion des regroupements de militants, éclatement des propositions, et - jusqu'à une période récente- faiblesse du mouvement social, domination sans partage de la «culture de gouvernement» viatique de toutes les capitulations.

Dans ce contexte un courant comme la Gauche Socialiste est aussi conduit à redéfinir son intervention en faisant la part des ruptures et des continuités qu'il doit opérer avec sa propre histoire pour que les militants qui la constituent entrent pleinement, utilement et efficacement dans la nouvelle période. Quelques verbes peuvent décrire cet objectif.

Construire : le Parti Socialiste est à reconstruire et presque à inventer si l'on veut qu'il soit un parti de luttes sociales. Pour nous il s'agit donc d'être à tous les niveaux animateurs du travail militant en direction prioritaire des secteurs de la société les plus hostiles aux conséquences du libéralisme et les moins portées à transiger avec : quartiers populaires, jeunesse, salariés du secteur public et des grandes industries privées.

Proposer :  à l'éparpillement des propositions doit succéder une mise en page ferme et claire de la méthode et des orientations pour le pays que la gauche propose à son parti dans la perspective de cette République Sociale que nous voulons faire naître en France et en Europe.

Se dépasser :  aucun courant n'a vocation à perdurer dans ses frontières autrement qu'en relation avec les conditions qui ont justifié sa naissance et ses combats ? Nous ne sommes ni une fraction ni une secte? Époque nouvelle, taches nouvelles, regroupement nouveau. Le désolant émiettement de la gauche du parti doit être dépassé. C'est ici non seulement une exigence d'efficacité mais aussi de loyauté à l'égard même de ceux à qui nous nous adressons

Jean Luc MELENCHON

 

mélenchon 1995

Démocratie et révolution n° 19 25 octobre 1994

"Rocard, le rendez-vous manqué'

UN LIVRE DE JEAN-LUC MÉLENCHON

Voilà un livre bouillonnant dans le ton, politique au sens noble du terme, concret, fourmillant d'explications détaillées à propos des 13 mois de Michel Rocard comme Premier secrétaire du Parti socialiste. Ce récit de 230 pages, mettra les idées au clair pour ceux qui veulent comprendre de l'intérieur les débats au sein de la direction du Parti socialiste entre le 3 avril 1993 et le 19 juin 1994.

Jean-Luc Mélenchon raconte de façon vivante comment ses camarades de la Gauche socialiste et lui, ont tenté, d'abord de contribuer à tirer le bilan de la défaite de mars 1993 en participant à un changement nécessaire de direction et comment, avec la nouvelle direction de Michel Rocard, ils ont tenté loyalement de faire évoluer l'orientation du Parti et de le redresser. Ce n'était pas facile, et n'a pas toujours été bien interprété mais ce qui est enrichissant c'est que ça n'est pas présenté comme un conflit de personnes (il y a même un respect humain tout à fait remarquable) mais comme un vrai débat politique illustré.

L'indécision de M. Rocard se refusant à assumer la fonction de chef de l'opposition et se situant dans un "entre deux difficile" entre E. Balladur et les aspirations sociales est décrite au jour le jour. Cela devient spectaculaire quand surviennent les grèves de fin 1993, notamment celle d'Air France, et plus encore le 16 janvier 1994 lorsque le Premier secrétaire s'exprime à contre-courant du million de défenseurs de l'école publique descendus dans la rue : "On peut faire progresser l'esprit de la paix scolaire dans l'esprit de la loi Debré" dit-il tandis que les pancartes dénoncent les lois Debré, Guermeur, et l'accord Lang-Cloupet. Il se refuse à exiger le retrait complet de loi Bayrou et la démission dudit ministre, ne propose que des "cahiers de doléances". L'occasion du mouvement jeune contre le CIP sera ratée et l'abrogation de toute la loi quinquennale ne sera pas demandée.

Le débat sur la réduction du temps de travail est significatif : pendant des mois, la direction Rocard hésite sur la question cruciale de la "compensation salariale". Jean-Luc Mélenchon montre les ravages que fait cette hésitation sur la gauche dans son ensemble, il rappelle le vote massif des socialistes à la base lors de la Convention sur l'emploi en février, il rappelle les deux blocs qui s'étaient opposés sur ce sujet, la Gauche socialiste, Henri Emmanuelli et d'autres d'un côté, les rocardiens et modernistes de l'autre... "Le réalisme est du côté des 35 heures sans perte de salaire, pas dans cette timidité qui promet les 32 h pour la Saint-glinglin et les 37 heures pour l'an 2O." Jean Luc Mélenchon cite au passage la pétition Lemerle-Mourgue-Vacheron qui "servait de point de ralliement à tous les socialistes décidés à en découdre sur ce point".

Le refus de faire une liste ouverte unitaire aux européennes, le discours inaudible de M. Rocard, l'échec sont analysés. On y voit les raisons sociales, politiques du tournant à gauche du PS opéré sous la pression, tardivement et qui solde « le rendez-vous manqué » de M. Rocard. S'y dessine également la suite : les arguments pour un candidat commun qui, pour avoir des chances de gagner, ne se présente pas comme "surnaturel".

Ce livre travaille à réhabiliter la pratique politique. Le lecteur y découvrira des choix de fond, une patience entêtée, et l'efficacité d'être placé là où il faut pour agir vraiment sur les rapports de force. M.A.

• « Rocard, le rendez-vous manqué » - J.-L. Mélenchon. Ramsay, "Constats" 110 F.

 

Un de mes articles au sujet de Mélenchon : Lundi 8 décembre 2008                 

 De François Simon à Mélenchon 

Depuis le congrès d'Epinay le PS n'a jamais cessé de se renforcer sur sa gauche tout en rendant sa politique plus droitière. Il a accueilli en grand nombre des dirigeants et membres du PSU, de la LCR, du PCF et autres. Ce phénomène est habituel et assez général : en vieillissant c'est vers la droite que les dirigeants évoluent. Je pense à une exception : Jaurès. Cependant, depuis quelques années, des membres du PS le quittent par la porte de gauche. Parmi ces dirigeants du PS, je veux observer deux cas qui riment : Simon et Mélenchon.

Le tête de liste PS des municipales toulousaines de 2001 décide, en 2003, de quitter son parti pour se lancer peu après, avec d'autres, dans la préparation des élections régionales.

En 2007, le sénateur Mélenchon et le député Dolez décident de quitter leur parti pour se lancer aussitôt dans la préparation des élections européennes. D'un cas à l'autre les similitudes ne l'emportent pas.

Régionales face à Européennes

Pour la construction d'une liste régionale, avec le nouveau mode de scrutin de 2004, il fallait x candidats (la moitié étant des candidates). La démarche consista à proposer une liste allant du PCF à la LCR en passant par les Verts et les Motivé-e-s qui avaient émergé aux municipales de 2001. Le point crucial touchait au type d'alliance avec le PS. Réponse : autonomie au premier tour, en proposant une alliance au second tour, position qui fut celle des Verts dans plusieurs régions, et du PCF en Ile-de-France. Partout ailleurs, l'alliance a pu se faire au second tour mais pas en Midi-Pyrénées. Etrange ? La liste avait eu le soutien des Verts et de communistes mis en minorité après un vote des adhérents (beaucoup se souviennent des résultats massivement favorables à l'alliance avec le PS dès le premier tour, dans le département de Marie-Pierre Vieu). Le résultat frôla le 10%. Pour l'alliance, une seule place fut accordée au tête de liste pour qu'il devienne un otage. Ce manque de respect de la démocratie (PCF-PS-PRG), chez certains qui prônent la proportionnelle, est significatif.

Avec les Européennes, le type d'alliance avec le PS est reporté à plus tard et c'est pour ça que Chevènement a aussi quitté le PS pour se lancer dans des Européennes, en 1994. Autre élément masqué : pour toute la région Grand Sud-Ouest il suffit de peu de candidats et Mélenchon peut en cette occasion faire alliance facilement avec le PCF. De cette situation électorale on peut déduire deux différences : sur le positionnement politique et sur la stratégie d'organisation.

Le positionnement politique

François Simon a quitté le PS avec la volonté de faire se rencontrer l'écologie et le social, deux combats que la gauche a trop séparé (voire nié pour l'écologie) quand l'un est lié à l'autre. Aucun combat social n'est possible s'il n'est pas écolo, et aucun combat écolo n'est possible s'il n'inclut pas le social. En conséquence, pas étonnant si l'alliance a pu se faire plus facilement avec des Verts Midi-Pyrénées loin, alors, de la position Cohn-Bendit, qu'avec la gauche plurielle.

Tout commença par une réunion publique dans une arrière-salle de bistro toulousaine, que deux hommes, Jean-Michel Clavel et Jean-Pierre Bataille (à qui je tiens à rendre hommage) osaient animer, pour l'impossible liste aux Régionales devant unir du PCF à la LCR en passant par les Verts. François Simon s'activa comme un simple militant dans la construction d'une organisation qui ne fut jamais simple. Le système électoral imposa un travail au plus près des huit départements de Midi-Pyrénées.

Mélenchon a quitté le PS avec la volonté de renouer avec une histoire bafouée par la gauche officielle, choix honorable mais qui semble plus tourné vers le passé que vers l'avenir. Sans me lancer dans des supputations, que je reproche à d'autres, je pense que l'intelligence de Mélenchon peut le pousser à évoluer mais, globalement, au-delà de la personne, son courant est connu, c'est celui du « plus à gauche », à la place de celui « être autrement à gauche ». Il semble ne tenir aucun compte des expériences passées. Dire on va unir de la LCR au PCF, c'est à présent se moquer du monde : la LCR dotée de 8% dans les sondages n'a pas besoin de Mélenchon pour conduire ce qui lui tient à cœur, une action autonome.

Cette union impossible de toute la gauche du PS, qui a déjà entraîné pas mal de découragements, a des limites connues et expérimentées en 2004 comme à la présidentielle de 2007. Le prétexte du NON de gauche au TCE est déjà très loin. Nous savons qu'il a alimenté la confusion plus que la clarté, faute d'une organisation démocratique capable de le structurer.

La stratégie d'organisation

Après les élections régionales en Midi-Pyrénées une association des ami-e-s de cette liste (AMP) s'est constituée sur des bases claires et démocratiques où il est possible d'avoir une double appartenance mais où les votes se font sur la base un homme, une voix. Il s'est agi de construire à partir de la base (sans basisme pour autant). A présent, l'AMP transporte avec elle une expérience étrange. Liste unitaire en 2004, voilà qu'aux municipales de 2008, l'union a été possible seulement avec les citoyens (sous le nom l'Autre liste ! qui a fait 5,42%) tandis que la LCR (5,07%) put obtenir l'appui de divers courants tous soucieux de faire barrage à « François Simon ». Entre les deux dates, les propriétaires actuels de la politique (PCF, PS, Verts, LCR) virent d'un très mauvais œil l'installation durable dans le paysage politique d'une force alternative autonome capable d'allier le combat social et le combat écologiste, avec bien sûr un équilibre interne toujours difficile. En décrétant François Simon, « bête noire », les éléments critiques de chacun des partis ne furent pas les moins hargneux, et Jean-Luc Mélenchon découvrira le même phénomène. Sa lune de miel avec le PCF durera ce que dureront les Européennes (sauf s'il finit par adhérer au PCF).

D'autant qu'avec Mélenchon, c'est une stratégie par en haut, avec une alliance de sommet qui se met en place, sans attendre la moindre ORGANISATION du nouveau parti. Et le système se déplace vers les départements où ses amis s'autoproclament dirigeants du nouveau parti quand le plus souvent, aux yeux des électeurs, ils ne représentent rien de nouveau (justement, c'est beaucoup le cas à Toulouse). Décréter tout de suite que le parti s'appellera Parti de Gauche, peut donner l'illusion d'une efficacité, mais ça fait l'impasse sur le débat inévitable qui tourne autour du mot gauche, et qui, sans qualificatif, est pernicieux.

La gauche de la gauche championne en impasses

Ici Simon et Mélenchon se retrouvent sur le même bateau face à la gauche de la gauche qui dit plus ou moins, que leur départ ne vise qu'à créer un PS bis, et qu'en conséquence ils sont encore plus dangereux qu'un PS officiel plus facile à combattre. Or, tout comme l'AMP à Toulouse, la création du Parti de Gauche est un parti concurrent du PS. Le parti de Chevènement joua la même carte puis est revenu dans le giron du PS. Le Parti de Gauche va-t-il, comme le PRG, organiser un lobby auprès du PS ? Si tel est le cas, c'est peine perdue. Et les déclarations enflammées de Mélenchon sur le rêve de faire électoralement mieux que le PS m'amuse car je l'ai déjà entendu si souvent !

Je l'écris sans hésiter, au nom du combat démocratique je juge très positif tout ce qui peut affaiblir le PS, mais je crains les impasses possibles qui deviennent deux fois plus décourageantes que l'action de l'adversaire (je pense à la candidature Bové). Première impasse : s'enfermer dans le marketing politique, les médias étant considérés comme le vecteur majeur de la construction d'une nouvelle force politique (Bové-Mélenchon même combat sur ce point). Deuxième impasse : le modèle allemand Die Linke (en 1987 Pierre Juquin a jugé qu'il pouvait quitter le PCF pour fonder un mouvement à l'image des Verts allemands, mouvement que la présidentielle de 1988 devait dynamiser).

Pour le moment, j'essaie de comprendre tout en craignant le pire ! La stratégie « rouge et verte » que je défends depuis 20 ans risque, une fois de plus, de faire les frais de calculs électoraux.           6-12-2008  Jean-Paul Damaggio

P.S. 2015 de JPD : il semble que pour les régionales de 2015, François Simon et les amis de Mélenchon se retrouvent sur la même liste.

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