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Vie de La Brochure
25 décembre 2023

Ridicule révolution de Mélenchon

Ridicule ne s’adresse pas à l’homme mais à sa chère révolution dite citoyenne[1]. Célébrer les mérites de Mélenchon n’exclut pas d’en pointer les limites.

Sans attendre ma conclusion, donnons la raison du mot ridicule : je prétends démontrer que sa révolution citoyenne est une vue de son esprit et non une analyse concrète de la situation concrète.

Commençons par le mot révolution qui charpente ma vie depuis l’âge de 18 ans. Comme je l’ai souvent écrit, en 1980 le monde a été témoin de deux révolutions, la révolution du capitalisme global (l’économiste du PCF Paul Boccara[2] disait d’un point de vue marxiste : la révolution informationnelle que la direction du PC ne voulait pas entendre) et la révolution iranienne. S’agissait-il de révolutions ?[3]

Si la révolution dite conservatrice continue le capitalisme, elle le transforme profondément en s’appuyant sur la philosophie d’Hayek. Il devient le capitalisme global. Auparavant nous avions quelques arbres, et c’est devenu la forêt. Elle justifie le titre du livre de campagne de Macron : Révolution !

La révolution iranienne profondément populaire portait en elle une espérance grandiose et je l’ai suivie jour après jour en construisant un cahier d’articles de réflexions, d’analyses, cahier que j’ai offert à l’Iranienne Chahla Chafiq quand, vingt ans après, elle est venue à Montauban témoigner de cette histoire (a-t-elle été souvent invitée par des associations de gauche ?). Elle aussi avait cru que la fuite du Shah et la fin de la puissance des USA en son pays, signaient une révolution mais, très vite, elle a découvert que ce n’était pas la sienne, quand la décision fut prise de rendre le foulard obligatoire pour TOUTES les femmes. Les puissants communistes iraniens n’ont voulu retenir de la révolution que son côté anti-impérialiste jusqu’aux jours de 1984 quand ils furent tous éliminés par une répression plus féroce que celle du Shah.

Depuis, ces deux révolutions alimentent, de manière opposée, les projets d’extrême-droite à travers le monde, projets bien plus puissants que les dites révolutions citoyennes.

Prenons la dernière en date venue d’Argentine. Au soir du premier tour de la présidentielle je pensais que la vague populaire ne pouvait se jeter dans les bras de Milei vu l’histoire du pays que je connais un peu. Rappelons ici que partout en Amérique le premier tour est celui aussi de l’élection des députés qui se joue en un seul tour, et Milei n’a obtenu que peu de députés. D’ailleurs qui est président de la Chambre de députés ? Voilà une question sans intérêt pour les grands médias ![4]

Passons au mot citoyen. Il était un peu ringard en 1968. La crise des partis de gauche le remet en vogue à partir de 1990 avec en figure de proue, J-P Chevènement et son Mouvement des Citoyens. Terme plus élégant que «les gens» si souvent évoqué par le PCF de cette époque là.

En 1790 la déclaration des droits de l’homme était aussi celle des citoyens alors qu’en 1945 si elle devient universelle… elle perd sa référence aux citoyens ! Ce n’est pas un hasard car dans combien de pays les habitants sont des citoyens ? En la République d’Iran peut-être ?

Mélenchon peut me dire qu’il a réalisé une analyse concrète de la situation concrète puisque sa révolution citoyenne est un bouquet aux fleurs si diverses qu’il va des «printemps arabes», au mouvement «Occupy Wall Street», en passant par les Gilets Jaunes ou la protestation contre la retraite à 64 ans, pour aller jusqu’à la «révolution des parapluies» à Hong Kong.

Mélenchon l’établit : « [ces mouvements] sont nés d’une même situation, d’un même empêchement essentiel. Le capitalisme est incapable d’organiser la société des réseaux sinon comme société de pénurie pour le grand nombre. Pourtant, le pillage au profit de l’oligarchie n’est pas le déclencheur. La pagaille, l’impossibilité de vivre normalement, l’arrogance et l’indifférence des puissants met le feu aux poudres ».

Même les émeutes de banlieue sont élevées au rang de mouvement révolutionnaire !

Un fait est sûr toutes ces fleurs sont fanées… mais parce qu’ailleurs ils n’ont pas le sens théorique d’un Mélenchon pour leur dessiner une perspective ?

J’ai suivi avec passion les révoltes en Tunisie avec un ami qui le jour de la fuite de Ben Ali nous a téléphoné pour dire : « Nous avons eu notre 14 juillet ». J’ai suivi avec passion les révoltes en Algérie qui ont chassé du pouvoir Boutefika. J’ai consacré deux livres à la révolte des Gilets Jaunes dont j’ai été partie prenante dès le début. S’il existe un point commun entre ces trois faits, il s’appelle Facebook or Facebook n’existe pas pour propager des révolutions citoyennes mais seulement la révolution du capitalisme global… y compris par des mobilisations citoyennes à l’échec garanti.

Macron et Mélenchon témoignent d’un même phénomène : le mépris des pouvoirs intermédiaires et c’est un de leurs mérites, car ils ont senti sur ce point le sens de l’histoire politique. Sa           uf que pour Macron c’est conforme à la mutation capitaliste, alors que pour un projet alternatif, comment le concevoir sans organisations politiques, syndicales, sociales ? En refusant de faire de LFI un mouvement politique démocratique malgré de multiples demandes, Mélenchon scie chaque matin la branche sur laquelle il veut s’installer chaque soir. On aurait pu penser que le Front national vu son orientation verticale inhérente à son idéologie aurait pu choisir la même voie or dès 1984 il fait tout pour être présent dans des élections cantonales jusqu’à présenter le même candidat dans plusieurs cantons ! Lui a une organisation solide, structurée, organisée efficace sur la longue durée… d’où sa longue durée. Mélenchon veut une révolution citoyennes sans organisation citoyenne !

 La dite révolution citoyenne est ridicule pas seulement parce qu’elle repose sur un vent sentimental mais surtout par son impasse sur le projet alternatif de mode de production.

Or je prétends que la révolution du capitalisme global et la révolution iranienne ont changé le mode de production, même si on reste dans le monde capitaliste. Le pouvoir iranien fabrique une nouvelle classe dirigeante économico-religieuse et Hayek une nouvelle classe dirigeante transnationale qui intègre en elle les finances, l’industrie, la communication et la culture. Le crime organisé qui s’implante partout petit à petit en est la partie symbolique.

Voilà pourquoi je suis sensible à ce point de la production chez Mélenchon et je me réfère à l’analyse de celui qui signe Descartes sur son blog et qui a fait du livre de Mélenchon une lecture minutieuse :

« On chercherait en vain dans le texte la moindre réflexion sur la manière dont les biens et les services sont produits, sur les mécanismes de régulation qui adaptent la production au besoin. Il serait tout aussi vain de rechercher la description d’un mode de production alternatif, qui pourrait se substituer au capitalisme. La production matérielle n’existe en fait pas chez lui : ainsi, tout en invoquant «la tradition efficace du matérialisme» (page 188) il explique que «Le peuple produit et reproduit son existence matérielle en accédant aux réseaux collectifs (…) sans lesquels il lui est impossible de survivre. Le régime de la propriété des réseaux, leur place dans le processus global d’accumulation capitaliste, l’aliénation de soi constituée par leur fonctionnement marchand, font la définition du peuple comme acteur du mode de production ». Autrement dit, ce n’est pas la production de valeur qui fait du peuple un « acteur du mode de production », mais son accès à cette même valeur. Mélenchon regarde le capitalisme uniquement sous l’angle de la distribution des richesses. La manière dont ces richesses sont produites ne semble pas l’intéresser[5]. Il est d’ailleurs remarquable que, après avoir donné aux réseaux une telle importance, il n’ait rien à dire sur leur genèse, c’est à dire, sur la manière dont ils ont été eux-mêmes produits.»

 En guise de théorie Mélenchon surfe sur l’idée que la consommation importe plus que la production qu’elle peut même diriger ! (il faudrait passer des heures pour savoir comment bien consommer). Ce lieu commun de la pensée dominante fortement relayé par une part du courant écolo, et qui vise effacer la production, n’est pas le seul sur lequel s’appuie Mélenchon. Par exemple, pour être dans l’actualité, c’est bien connu l’émergence de l’intelligence artificielle provient d’une besoin massif de la population !

Pendant des décennies, socialistes et communistes étaient au moins unis sur un point : pour contrer le capitalisme il fallait changer le mode de production. D’où par exemple l’émergence du secteur coopératif en France, la mise en avant des nationalisations etc.

A l’heure du capitalisme global le remettre en cause devient plus difficile et plutôt que de critiquer ce trou noir de Mélenchon, ne devrais-je pas m’attacher à proposer des alternatives économiques à une économie qui se présente sans alternatives ? Une agriculture bio contre une agriculture intensive ou même hors-sol ? Des voitures électriques contre les voitures thermiques ? Le mode de production n’est technique que secondairement. Quand Boccara proposa le concept de révolution informationnelle c’était pour remplacer le dogme communiste classique venu d’URSS de « la révolution scientifique et technique». Il voulait que le combat social contre le nouveau mode de production se fasse par des interventions en matière de gestion. D’où pendant un court moment la mise en valeur de l’autogestion. Ce travail suppose un effort immense qui nécessite une organisation populaire.

Dans ces conditions les extrêmes-droites ont tout l’avenir devant elles alors que la gauche n’a plus que le passé derrière elle ! Il m’est arrivé de dénoncer fortement l’analyse que Mélenchon faisait du FN (dans un livre sur le FN) et je pensais qu’elle était secondaire dans le cadre de son combat général. Je comprends à présent qu’elle en est un pilier.

Reconstruire une perspective démocratique n’entre pas dans mes capacités mais je devine seulement que le chemin sera long pour la voir naître.

 Jean-Paul Damaggio



[1] Mélenchon vient de publier un livre au titre surprenant : Faites mieux ! Vers la révolution citoyenne. Surprenant car c’est l’alliance d’une boutade et d’un objectif théorique !

[2] Paul Boccara né 13 septembre 1932 à Tunis et mort le 26 novembre 2017 à Villejuif.

[3] Au même moment le PCF lance un hebdo pour remplacer France nouvelle avec ce titre : Révolutions et pour l’appuyer une phrase de Georges Marchais : « Nous vivons le temps des révoltions ». Ce que nous avons vérifié depuis surtout en URSS…

[4] Il s’agit du neveu de l’ancien président Carlos Menem, Martin Menem, élu par tous les groupes sauf le Front de gauche. Ce pays dépasse la science-fiction.

[5] Je note que cette question fait au contraire le cœur de la pensée de Paul Boccara.

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