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Vie de La Brochure
1 juillet 2015

Perbosc, Régis, le Got occitan

Je poursuis ma quête de documents du Midi socialiste évoquant l’occitan. Après la chronique de Beaurepaire-Froment avant la guerre 1914, pour l’entre-deux guerre c’est un autre Tarn-et-Garonnais qui est en vedette, Jean-Paul Régis. Comme Beaurepaire-Froment il a été largement oublié alors que ce fondateur de la revue Oc est un champion de cause occitane. Il s’appellait en fait Paul Rolland et j’ai appris à étudier le cas de son père grand médecin de Montpezat de Quercy et surtout grand révolté de 1851. Je suis un admirateur des billets qu’il signait en Tarn et Garonne sur Le Républicain sous le pseudo de Camparol. J-P Damaggio 

Midi Socialiste Mardi 17 décembre 1932

Un poète quercynois : Antonin Perbosc

Le jury des « Vignes de France » vient de couronner le « Got occitan » (la Coupe occitane) de Perbosc. S’il y a de par le monde des écrivains quelqu’un qui ignore les plus élémentaires principes de la stratégie littéraire, c’est bien ce poète. Perbosc est un curieux homme. Il vit dans son coin montalbanais. Il a consacré son existence à la poésie. Il ne se préoccupe guère de donner l’essor aux poèmes enfermés dans ses cartons. Il oublie l’œuvre qu’il vient de terminer. Seule le retient celle qu’il veut écrire. Il ne soupçonne même pas qu’il y a un art de se pousser dans la jungle littéraire. Et Perbosc est célèbre ! Des lettrés de tous les pays lisent son épique Guilhem de Toloza ou Lo libre dels Auzels (Le livres des Oiseaux) nouvelle et incomparable légende des siècles. Une élite européenne et américaine sait que le Quercy possède un poète qu’on ne peut comparer qu’aux plus grands de tous les temps.

Il a fallu l’insistance de ses amis pour le décider à faire réimprimer son Got Occitan qui n'avait eu qu’un tirage confidentiel. Plus d'efforts furent nécessaires encore pour le décider à l’envoyer au Jury des « Vignes de France ». Il y  a une vertu mystérieuse dans les poèmes de Perbosc. Un des membres du jury qui ne connaît pas Perbosc qui n’avait jamais rien lu de ses œuvres, fut enivré du vin puissant et généreux que contient la Coupe Occitane. Cet écrivain dont on redoute l’esprit caustique, envoya quelques jours avant l’attribution du prix, la lettre suivante à Perbosc :

 « Paris, le 21 mai 1932,

N’ayant jamais fait partie que d’un jury dans ma vie, celui des « Vignes de France » - et je me demande comment ça a pu m’arriver ! – je n’ai aucune connaissance des devoirs des jurés, des prudences indispensables, des silences nécessaires, et des combinaisons souterraines. Vous m’excuserez donc de vous dire d’avance – quinze jours avant mon vote – la joie et l’admiration que je ressens à lire vos poèmes. C’est beau comme… je n’ai pas besoin de dire des noms : vous êtes puissant et trop original – c’est beau comme les plus grands des grands poètes ! Vous ne quittez plus ma table. Votre livre est ouvert sur ma table. Je tourne une page, deux pages et je m’enchante ! Mes enfants entrent, je dis « Asseyez-vous, écoutez. » Et je sens, quand je vais aller chez un ami qui m’est cher, que je vais vous emporter pour vous lire en ville. Enfin, vous allez me donner le plaisir pour la première fois depuis sept ans, de voter… pour l’homme couronné. Car vous le serez ! Comment ne le seriez vous pas ! Ce serait.. Non ! il n’y a pas d’écrivains parmi nous, qui ne puisse pas admirer devant l’admirable ! Et moi qui tous les ans, ai dit : Cherchez donc le poète – et cherchez donc le génie – au lieu de couronner on ne sait quoi - je vais avoir une minute de plénitude. Ah ! Monsieur, quel coup de chapeau je vous donne ! »  

Perbosc et l’auteur de ces lignes enthousiastes, qui n'étaient pas destinées à la publicité, voudront bien m’excuser de la liberté grande. J'ai éprouvé un trop vif plaisir à les lire pour ne point les communiquer aux amis du poète quercynois. Avant d’être poète, Perbosc fut folkloriste. Mieux encore que Jean François Bladé, il a étudié le traditonnisme occitan. Proverbes, contes, chansons, légendes épiques, dramatiques ou romanesques, mimologismes populaires, toute la littérature orale, Perbosc l’a recueillie. S'il est devenu grand poète, c’est qu'il a su rester en contact permanent avec l’âme du peuple.

La langue qu'écrit Perbosc est celle des paysans quercynois. Dotée d'une graphie moderne aussi simple que la castillane, rendue ainsi lisible à tous les pays d'oc, épurée, débarrassée des mots parasites, claire, drue, savoureuse, elle est devenue entre les mains du poète un outil incomparable.

Avec autant d’amour qu’il a étudié la littérature populaire, Perbosc a pénétré la vie des mots et des sons. Il connait toutes les ressources des maitres. Il sait utiliser les épithètes redoublées à la façon de Rabelais. Il tient la sobriété pour une des principales qualités de l'écrivain. Son métier, Perbosc le possède à un tel point qu'on ne le sent pas. On admire le poème, le ton exact si bien adapté au sujet qu’on n'en conçoit pas d’autre possible, la splendeur du rythme, sa variété, la pureté du vers. On admire le poète, on ne songe jamais à l'orfèvre. Un grand souffle de perfection emporte tout. La perfection, Perbosc en joue en virtuose. Son nouveau Got Occitan est accru d'une quarantaine de pièces. Le poète ne s’est pas contenté de reproduire celles de l’édition de 1903. Nombre d’entre elles ont été revues. Dans leur première version, on les trouvait parfaites. Elles le paraissent plus encore dans leurs nouveaux atours. Perbosc a réussi à varier la perfection, à lui donner des degrés. Le Got Occitan célèbre la vigne, ses travaux au cours des saisons fécondes. Il enclot en de puissants et transparents symboles pleins d'images rares et imprévues, la vie mystérieuse du sol et de l’âme paysanne. Et ces tableaux rustiques ont une telle simplicité, une telle sincérité, une telle grandeur, qu’on songe à de fabuleuses dionysies où revit dans une splendeur toute neuve la grâce grecque. On a souvent qualifié Perbosc de poète du terroir. Mais lorsqu'il chante le paysan dans le Got Occitan ou l’Arada – l’Arée comme on disait en vieux français – ce n’est pas le paysan d’un seul pays, quercynois, limousin, catalan ou provençal, qu’il met en scène, c’est le paysan de tous les temps, c’est l’homme éternel dans ses sentiments et ses actes héréditaires. Perbosc unit, en un panthéisme grandiose la terre, l’homme qui la travaille et le poète. J-P. REGIS.

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