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Vie de La Brochure
30 avril 2016

Aéroport Toulouse-Blagnac : Tristes nouvelles

Marianne du 29 avril au 5 mai 2016, sous la plume de Frédéric Dessort revient sur la privatisation de l’aéroport Toulouse-Blagnac. On devine qu’il s’en passe beaucoup dans les couloirs mais le simple citoyen ne verra que les dégâts. Aussi ne ratons pas cet article pour au moins lever une part de voile ! J-P Damaggio

 

La ville rose passe sous pavillon rouge

Sarkozy y avait songé, puis renoncé. Hollande n'a pas eu ces pudeurs. En juillet 2014, un communiqué de Bercy, signé par Michel Sapin et Arnaud Montebourg, annonçait la vente par l'Etat du très rentable aéroport de Toulouse-Blagnac. L'affaire avait fait couler pas mal d'encre. Pour renflouer d'un peu plus de 300 millions d'euros les caisses publiques, un gouvernement de gauche cédait aux sirènes des privatisations. Six mois plus tard, au terme de l'appel d'offres remporté par un consortium chinois, Emmanuel Macron, le successeur de Montebourg à Bercy, faisait la leçon au bon peuple.

« Il ne s'agit pas d'une privatisation, expliquait le nouveau ministre de l'Economie dans la Dépêche du Midi, mais seulement d'une ouverture de capital de la société de gestion, puisque les collectivités locales et l'Etat resteront majoritaires avec 50,01 % du capital. »

Et l'option de vente de 10 % supplémentaires qui ferait basculer le contrôle ? « Ce gouvernement », avait assuré Macron, n'a pas l'intention de l'exercer. Un autre, en revanche... Avoir l'appétit actuel des Chinois pour Toulouse et sa région, on se demande bien pourquoi ces derniers s'arrêteraient en si bon chemin. Car l'arrivée de Casil Europe - le nom du nouvel actionnaire de l'aéroport - n'est que la première étape d'une offensive bien plus vaste qui ne vise rien de moins qu'à « siniser » la Ville rose.

A la manœuvre, l'un des actionnaires de la société Casil Europe, le groupe Shandong Hi-Speed, un important conglomérat industriel aux mains de l'Etat chinois.

« Depuis quelques mois, je subis les assauts réguliers de cette entreprise, dont le correspondant m'a présenté les ambitions : acheter des gares, des ports, des routes dans la région, comme par exemple la route qui reliera l'aéroport au futur parc des expositions. Je l'ai éconduit diplomatiquement en lui expliquant que notre pays n'est pas à vendre ! raconte Didier Cujives, vice-président du conseil départemental de Haute-Garonne chargé de l'économie. J'avais l'impression d'avoir affaire à un joueur de Monopoly. »

Il y a quelques semaines, Olivier Liang, le représentant du groupe chinois, qui travaillait à Airbus comme responsable de la China Business Unit avant d'être remercié a adressé à l'office du tourisme toulousain un mail on ne peut plus clair :

« je vous écris pour demander un rendez-vous cette semaine avec vous pour discuter sur le développement du tourisme chinois dans la région et pour un autre rendez-vous avec la direction de Shandong Hi¬Speed Group à Toulouse au milieu du mois de mars. »

Suivent les noms de trois huiles, dont le senior vice-président du conglomérat.

« [...] Objet de la visite : en tant qu'actionnaires de l'aéroport de Toulouse, ils souhaitent établir des liens étroits avec les institutions touristiques pour développer le tourisme chinois dans la région et travailler ensemble avec les organismes touristiques locaux. Le vol charter entre la Chine et Toulouse est envisagé pour cet été. Ils cherchent des opportunités d'investissements dans le tourisme: agence de voyages, hôtellerie, société de transport, etc. »

Carole Delga, présidente socialiste de la région Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées, confirme à Marianne avoir rencontré, le 18 mars, les émissaires de Shandong Hi-Speed : « C'est le début d'un dialogue et peut-être de partenariats possibles. Cela ne veut pas dire brader notre économie aux intérêts d'une puissance étrangère, mais saisir les opportunités qui peuvent intéresser notre territoire. »

Même prudence chez Jean-Luc Moudenc, le maire LR de Toulouse :

«Leur intention est d'établir des liens étroits avec les institutions politiques et économiques locales pour investir dans la région, en se concentrant principalement sur les infrastructures. Ils ont voulu me parler, par exemple, de la troisième ligne de métro. Je ne suis pas opposé par principe à les y associer, tant que sa construction et son exploitation restent sous maîtrise publique. »

Pour caresser les politiques locaux dans le sens du poil, les Chinois ne mégotent pas. En juillet dernier, lors d'un sommet économique qui a réuni dans la capitale du Languedoc Manuel Valls et Li Keqiang, son homologue de la République populaire de Chine, un partenariat a été signé par la chambre de commerce et d'industrie (CCI) de Toulouse, Casil Europe et la puissante banque de l'Industrie et du Commerce de Chine. Cette dernière s'est engagée à ouvrir pendant cinq ans une ligne de crédit de 1 milliard d'euros pour financer le développement d'échanges économiques entre l'agglomération toulousaine et la Chine ! «Il s'agit plus précisément de soutenir des PME de notre région dans leur projet d'implantation là-bas, explique Alain Di Crescenzo, le président de la CCI. Je suis en train de finaliser les termes de cet accord que j’exposerai prochainement à nos interlocuteurs parisiens de cette banque. Nous avons d'ores et déjà cinq dossiers à leur présenter. »

 ROULEAU COMPRESSEUR

Si les discussions vont bon train en coulisses avec les élus, la présence des Chinois se fait encore discrète à Toulouse. Sollicité par Marianne, Mike Poon, le patron de Casil Europe, « ne souhaite pas s'exprimer publiquement », fait savoir Frédéric Paillet, l'un des consultants de l'agence Reputation Squad, qui gère son image. En juin 2015, cet homme d'affaires et sénateur de la province de Heilongjiang avait totalement disparu des radars alors que les autorités chinoises enquêtaient sur une grosse affaire de corruption dans le milieu aéronautique. Il avait ensuite annoncé par courrier sa démission du conseil de surveillance de l'aéroport toulousain, avant de réapparaître à Hongkong, frais comme une carpe koï, au mois de novembre... D'après le South China Morning Post, un quotidien proche des milieux d'affaires, l'honorable M. Poon aurait été mis au gnouf par Pékin, le temps de lui délier la langue...

Une absence qui n'a pas empêché ses équipes d'avancer plein gaz sur le dossier de l'aéroport. Pour faire passer à la caisse les 12 millions de passagers attendus d'ici à deux ans - contre 8 millions cette année -, Casil Europe veut totalement repenser les flux de voyageurs. « Nous allons rassembler les points d'inspection et de filtrage en un seul, à l'extrémité nord-est de l'aérogare », explique Jean-Michel Vernhes, le président du directoire de l'aéro-port. Et même si l'installation de tapis roulants est prévue, les clients des compagnies low-cost devront s'enquiller un bon kilomètre avant de rallier leur avion. Pourquoi ne pas créer un deuxième point d'entrée qui leur serait dédié ? «Le nouvel actionnaire veut maximiser la dépense des voyageurs en les obligeant à traverser la galerie marchande. La surface de cette dernière va d'ailleurs plus que doubler, pour atteindre 5 000 m2 », répond, sans ambages, Jean-Michel Vernhes. Autre nouveauté : le nombre d'avions dans le ciel, y compris la nuit, qui avait diminué ces dernières années du fait d'un meilleur remplissage, risque de repartir à la hausse, ce qui inquiète fort les riverains. « Dans ce milieu où seules comptent les parts de marché, nous ne nous faisons pas d'illusions: le rouleau compresseur chinois est en marche et les populations survolées comptent pour si peu... » regrette Chantal Beer-Demander, la présidente du Collectif unitaire contre la privatisation de la gestion de l'aéroport. Comme l'a - presque - dit Mao, « la révolution [aérienne] n'est pas un dîner de gala ».

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