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Vie de La Brochure
25 août 2016

Les femmes et juin 1848

oehler

Les moments noirs de l’histoire de France (1848, 1851, 1885, 1940-1944 pour prendre quelques exemples, le cas de la Commune étant à part) ont souvent été étudiés par des chercheurs étrangers, des USA ou d’Angleterre. Ici il s’agit d’un Allemand qui a produit sur Juin 1848 un livre fabuleux devenu depuis 1988 une de mes références : Le spleen contre l’oubli, Juin 1848, Baudelaire, Flaubert, Heine, Herzen.

En juin 1848, après une révolution de février au son de la Fraternité l’armée de la république commandée par des généraux aux prétentions républicaines, massacrait des ouvriers en révolte.

Les nombreux événements qui ont suivi, ont fait que ce massacre est devenu un événement parmi d’autres.

Dolf Oehler démontre en un pavé de 500 pages que le non dit qui a suivi l’événement aux répercussions européennes, était plein d’enseignements aussi bien du côté social que du côté de la littérature. Pas à pas, en le lisant, on comprend que Flaubert et Baudelaire (pour la France) mais aussi Heine et d’autres ont besoin de son éclairage.

Le livre est conçu en deux parties :

1 ) La crise des signes : la sémantique de Juin 1848 et sa critique par la modernité littéraire

2 ) « Par les écrits le mal resuscité ». Sur un traumatisme refoulé au XIXe siècle.

(il y a bien écrit resuscité et non ressuscité)

Parmi les signes, de la page 111 à 119 un chapitre est consacré à « Images de femmes. Rôle des femmes. »

Que le mot « femme » soit au pluriel est déjà une bonne chose.

Il commence ainsi :

« En 1848, la question des femmes a pris pratiquement autant d’importance dans la conscience publique que la question sociale. Et le combat de Juin ne la relégua pas au second plan. D’abord parce que les femmes des insurgés avaient pris une part active à la révolte, ce dont profitèrent de nombreux commentateurs pour s’exprimer de telle ou telle manière sur le caractère de la position sociale de femmes, et ensuite parce que, aussitôt après la défaite de Juin, le mouvement des femmes parut se disposer à assumer le rôle révolutionnaire du mouvement ouvrier vaincu. »

Vient aussitôt la référence au livre de Michelet : Les Femmes de 1848 héroïnes et martyrs de toute nation.

Pour Hugo qui n’était pas encore le Hugo de l’histoire, les femmes en question n’étaient que de viles prostituées.

Du Christ féminin à la mégère sanguinaire voilà l’explication du pluriel pour femmes.

Mais le tableau interroge aussi le camp des massacreurs : les femmes de ce camp là ont célébré aussi pour leur côté sanguinaire fière qu’elles étaient des soldats assassins !

A un seul moment une référence est faite aux revendications des femmes à travers un dessin de Daumier où on peut lire : « Citoyennes… on fait courir le bruit que le divorce est sur le point de nous être refusé… constituons-nous en permanence et déclarons que la patrie est en danger ! »

Et l’auteur du livre prenant le propos au premier degré indique : « Fort probablement, Daumier, bien plus raffiné qu’on ne le pense communément, fait dire ici par une femme le sens de l’événement du jour ; davantage même : il exprimerait aussi, sous le masque de l’ironie, une sympathie pour le mouvement des femmes que les féministes trop susceptibles n’ont pas toujours vue. »

J’ai quelques doutes sur le Daumier féministe mais je retiens ici la référence à la loi sur le divorce.

Pourquoi ce sont les femmes qui ont dû se battre pour la loi sur le divorce obtenu un temps en 1793 ?

Et pour 1848 Dolf Oehler rate totalement l’autre lutte : celle pour le droit de vote qu’on appelle encore souvent aujourd’hui « le suffrage universel » même quand il n’est accordé qu’aux hommes !

Bien sûr, vu ce que deviendra le droit de vote après 1851, pourquoi ne faire un point de fixation ?

Comme tout droit il n’est rien en tant que droit. Tout dépend l’usage !

Dans un premier temps le suffrage universel masculin va devenir un instrument considérable d’éducation politique et l’exclusion des femmes est une régression pour elles car auparavant au sein du peuple il y avait exclusion générale et là tout d’un coup l’homme gravit une marche, et pour ça il faut expliquer pourquoi la femme ne peut y accéder et il faut donc l’enfoncer encore plus !

Ainsi l’histoire de France va se construire avec cette anomalie : le premier pays à accorder le suffrage universel aux hommes et un des derniers à l’accorder aux femmes, au nom des combats d’une part importante la gauche ! Pourquoi ? Car pour résumer, les femmes étant supposées voter à droite, à cause du poids de l’église, il fallait d’abord les éduquer avant de les accepter dans les bureaux de vote. Or en 1848 les Républicains permettent à tous les hommes de voter ce qui donne dans un premier temps une assemblée de droite !

Dolf Oehler sans aborder la question du droit au suffrage qui sera ensuite un combat féministe majeur apporte un regard qui prouve la complexité du sujet : Renan qui prêche l’émancipation à sœur conservatrice,  Marie d’Agoult qui se range du côté des femmes d’insurgés…

Et voici lz conclusion du chapitre :

« Le communisme n’était pas le seul fantôme qui rôdait en Europe : l’émancipation des femmes en était un autre, volontairement confondu avec le spectre rouge, et tout autant l’objet d’un exorcisme collectif. »

Tout ça pour une raison très simple : le féminisme n’est pas à côté de la question sociale mais a toujours été la première des questions sociales. J-P Damaggio

P.S. Une autre revendication est évoquée : la transmission de l’héritage par voie masculine. 

Ps : un compte-rendu du livre  http://www.persee.fr/doc/roman_0048-8593_1997_num_27_98_4306

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