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Vie de La Brochure
10 juin 2019

Le parapluie France insoumise

(cet article reprend globalement des observations précédentes).

Je reprends l’image du parapluie d’un article concernant Podemos en Espagne pour dire que sous l’étiquette Podemos il y avait au départ plusieurs tendances.

Sous l’étiquette France insoumise il y a eu au départ au moins trois tendances qui sont apparues le soir du premier tour quand il a fallu se positionner pour le second tour. Après avoir choisi au premier tour, le mode électoral français oblige en effet à «éliminer» au second tour. Ailleurs en Europe les questions d’alliances se posent seulement dans les couloirs du pouvoir, les citoyens en sont écartés.

Le candidat Mélenchon a indiqué qu’il laissait les électeurs libres (un peu comme Jacques Duclos en 1969), les membres du mouvement ayant à voter pour dire leur préférence entre trois options : l’abstention, le vote blanc, le vote Macron.

L’ensemble des autres forces politiques classiques ont crié au scandale dans le cadre d’un déchaînement médiatique sans précédent, le vote Macron étant jugé indispensable pour faire barrage à Le Pen.

Ces trois options dessinaient la diversité politique que le parapluie France insoumise pouvait couvrir. Si Mélenchon avait dit sa préférence il mettait en avant l’une des options au détriment des autres, et même si le discours sur les deux extrêmes (l’extrême-droite et l’extrême finance) indiquait en filigramme la position souhaitée, chacun était respecté.

Quel ciment avait été unificateur ? L’idée que la victoire était possible.

Tous les partis politiques sont traversés de courants divers et leur taille n’en est pas la cause. L’extrême-gauche ne s’est jamais contenté du face à face LO-LCR mais au sein même de la LCR il y a toujours eue plusieurs tendances.

Le Front National a été un Front car lui aussi, au départ, a rassemblé plusieurs tendances. Mais le parapluie a été si solide que le FN a traversé sans mal toutes les tempêtes. Le ciment fut très simple : défense de la nation, rejet des immigrés et refus de toute alliance qui ne soit sous ses ordres propres.

Les dissidences sont venues de ce dernier point de la part d’adeptes d’alliances avec la droite pour enfin accéder au pouvoir.

Les tendances de France insoumise, comme celles de Podemos, portaient-elles le germe d’une future dissolution ? Pour le dire autrement, si la neutralité de Mélenchon pour le second tour permettait le respect de tous, comment opérer pour la suite ?

 

D’une part j’ai entendu et lu cent fois que France insoumise c’était seulement Mélenchon que les membres suivaient comme des moutons, un propos insultant pour les membres en question ! Mais j’avais entendu et lu cent fois que le PCF c’était seulement Marchais que les membres suivaient comme des moutons ! En politique, le plus souvent il n’y a rien de nouveau sous le soleil, la bataille de classe manipulant les mêmes ingrédients.

Puis, ceux là même qui parlent de dictature interne sont les premiers à propager les germes de la division !

Le ciment unificateur de Podemos ou France insoumise a été de partir à l’assaut du ciel c’est-à-dire de rendre la victoire possible or si une tendance commence à écarter les autres, alors le ciment se délite et le mouvement s’effondre… vu que le ciel s’éloigne ! En Espagne à l’inverse de la France, le PS a tenu le choc et quand Podemos a été conduit, pour rester puissant, à s’unir avec Izquierda Unida (anciens communistes) puis à voter avec le PSOE pour faire échouer la droite de Rajoy, Podemos devenait un parti de gauche comme les autres. En France le PS s’est effondré et France insoumise pouvait faire figure d’alternative possible mais comment garder ensemble les trois courants ?

 

Jean-Luc Mélenchon et ses proches, obsédés par les dégâts des tendances internes au PS, a souhaité mettre en avant le monolithisme de France insoumise. Observons d’abord que le PS ne s’est pas effondré à cause de ses dissidences : en 2008 le départ de la tendance Mélenchon n’a pas empêché Hollande de gagner et en 2019, le départ de la tendance Hamon et Maurel n’a pas empêché le PS de sauver le 6% de 2017. Tout comme le départ de la tendance Chevènement n’a pas empêché Jospin de gagner en 1997.

 

Or les trois tendances évoquées pour LFI, équivalentes en poids au vu du vote des membres, n’étaient pas circonstancielles mais structurelles. Les soutiens de l’abstention au second tour représentaient le courant d’électeurs n’acceptant de se mobiliser que pour gagner. Inversement, les soutiens de l’appel à voter Macron représentaient plutôt, le classique courant «union de la gauche», le PCF ayant bien sûr appelé à voter Macron. Entre les deux, les soutiens du vote blanc signifiaient que pour eux les élections c’est important, mais pas quand le choix proposé est un piège. Je pense que Mélenchon a voté blanc, position qui est contradictoire à mon sens avec sa dénonciation du FN comme parti fasciste. Personnellement j’ai voté blanc (candidat alternatif aux législatives de 1993 j’ai refusé de donner des consignes pour le second tour et je n’ai jamais dérogé à ce principe) mais si pour moi le FN était fasciste alors j’aurais voté Macron. Je considère que c’est un parti d’extrême-droite jouant le jeu républicain.

 Comment ce pluralisme pouvait-il tenir ensemble ? Voilà au soir des législatives la question majeure posée à France insoumise et que les membres se posaient partout. La réponse du petit groupe dirigeant a été de créer une structure gazeuse pouvant évoluer en fonction des événements, un fait nouveau qui, loin des partis, s’est appelé un mouvement. Et là les propositions de structurations furent totalement surréalistes : d’un côté des groupes de base ne pouvant pas être plus de 12 et de l’autre le groupe dirigeant avec entre les deux, des conventions nationales annuelles avec des membres tirés au sort, et de manière épisodique des assemblées dites représentatives avec des membres encore tirés au sort et des représentants de «l’espace politique» à savoir des représentants des partis soutenant France insoumise comme le Parti de Gauche, Ensemble.

C’était la reprise aggravée d’un système qui a provoqué l’échec du Parti de Gauche en reposant sur la méfiance envers les «membres» de base. Aggravée, dans le sens où on ne peut même pas être membres de France insoumise (payer une cotisation), et toute structure départementale est prohibée !

Les membres sont ceux qui s’inscrivent sur la plateforme internet avec ce résultat étonnant : des personnes se sont inscrites pour être candidates aux législatives tout en étant totalement inconnues de ceux qui s’activaient localement !

Sauf me dira-t-on qu’avec les conventions nationales les membres peuvent choisir les campagnes nationales à lancer, peuvent amender les textes proposés etc.

Bilan, si tout au long de 2018 le mouvement a vécu tranquillement, avec l’approche des européennes des dissensions sont apparues mais seulement celles d’individus puisqu’il n’y pas d’organisation réelle.

Mélenchon peut alors dire qu’il ne s’est pas occupé de la liste des européennes gérée par une commission, quand Manon Aubry indique de son côté qu’elle a été convaincu d’être tête de liste à partir de deux rencontres avec Mélenchon et Bompard, en juillet et septembre, au moment même où Charlotte Girard était évoquée comme tête de liste !

 Puisque le PS était K.O. Mélenchon et ses amis ont pensé qu’il était temps de repenser à l’union de la gauche puisqu’à présent elle pourrait se faire sous la direction de… France insoumise ! Une façon de se tirer une balle dans le pied vu que d’un côté, aucune organisation n’était d’accord, et que de l’autre c’était aller dans le sens d’une tendance interne contre les autres !

 Puis la révolte des gilets jaunes est venue bousculer le paysage donc la France insoumise aussi. La tendance « union de la gauche » a été plutôt critique envers des gilets jaunes considérés comme des représentants de l’extrême-droite. Inversement ceux pour qui l’abstention n’est pas une insulte à la démocratie se sont retrouvés pleinement dans ce mouvement. Entre les deux, ceux qui étaient pour le vote blanc ont mis les gilets jaunes mais avec plus ou moins d’enthousiasme. La position de LFI a-t-elle pu se discuter dans telle ou telle réunion du mouvement ? Non. Seules quelques personnalités du mouvement se sont exprimées à commencer par Mélenchon qui a célébré Eric Drouet et ensuite par François Rufin qui a fait un film ! Or un débat interne aurait été d’une richesse sans équivalent car, inutile de le préciser, sans les trois tendances le mouvement n’existe plus ! Seul leur dialogue pouvait permettre de franchir l’épreuve. J’ai beaucoup entendu : mais les revendications des gilets jaunes sont celles du programme «L’avenir en commun». Oui, les revendications étaient proches… mais elles n’induisent pas le vote !

Résultat : les abstentionnistes qui s’étaient déplacés en 2017 pour Mélenchon à la présidentielle (mais beaucoup moins aux législatives puisque la victoire ne pouvait plus être au bout) sont restés pour une part à la maison, pendant que d’autres, mobilisés par les gilets jaunes sont allés voter mais RN car leur souci était moins les revendications que de battre Macron !

Bilan, quand LFI retombe à 6% elle perd l’électorat qui la soutenait seulement parce qu’il croyait la victoire possible, et elle retrouve surtout l’électorat classique de gauche. Au lieu de se cimenter sous le parapluie les tendances qui faisaient la force de 2017 font les faiblesses de 2019.

Et alors demain ? Ceux qui croient que l’effondrement de LFI peut aider demain au renouveau de l’émancipation trichent avec la réalité et brassent le plus souvent… du vent. Je suis de ceux qui pensent que de l’épreuve peut surgir une lumière d’où cet article. Exemple : par rapport à EELV il ne suffit pas de dénoncer Jadot mais une évolution sociale plus profonde qui vise à faire de chacun le responsable de la crise écologique, afin de dédouaner le système. C’est par un travail de fond que les trois tendances peuvent s’épauler. Pourquoi sur la liste LFI prendre une figure du droit des animaux ? Où a été le débat sauf à faire voter oui ou non pour la liste ?

Le 23 juin LFI à une assemblée représentative. Au lieu de passer des heures à discuter de textes abstraits pour les municipales (chacun sait bien que la diversité des situations locales domine) il faudrait chercher des solutions à plus long terme, donc des solutions en terme d’organisation. Le FN a été totalement absent des municipales (sauf exemples minimes) et pourtant il est toujours là comme «premier parti de France». Et généralement les élus FN quittent le parti en fin de mandat (phénomène qui avait été majeur avec les députés élus en 1986 !). En Tarn-et-Garonne, le département le plus FN de toute la région, sur trois élus municipaux, deux sont sur la touche. Inversement, le FN est puissant aux élections régionales et du point de vue électoral ça sera là le grand rendez-vous de LFI avec ou sans union de la gauche ! La dernière étape avant 2022.  J-P Damaggio

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