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Vie de La Brochure
9 février 2021

Tony Révillon, Razoua, l'Algérie

spahi

J'ai déjà évoqué Tony Révillon et sa rencontre avec Razoua. Ce dernier a publié en 1866 les souvenirs d'un spahi et tout heureux Révillon en propose la préface. Il ne dit pas tout à ce moment là, comme par exemple le fait que Razoua a été envoyé en Algérie suite à des actes d'indiscipline au lendemain du 2 décembre 1851. Il rappelle qu'il a été pris par le goût des voyages en écoutant Gaston.  La mère d'Eugène avait une soeur mariée avec le comte Raousset-Boulbon qui, d'un premir mariage, avait eu un fils aventurieux : il tenta en effet de créer une République au Mexique dans la région du Sonora où il perdit la vie. JPD.

Préface

Qui de nous ne compte parmi ses amis un de ces bons types militaires forgés et bronzés par le soleil de l'Algérie : tête coiffée en brosse, longue barbe, face brunie dans laquelle le regard éclate, corps maigre et nerveux, l'apparence un peu dure que donne la vie en pays conquis, au fond la naïveté d'un enfant, le sentiment de l'honneur poussé jusqu'à l'exaltation, quelque chose de chevaleresque comme ces anciens croisés, qui revenaient mi-Français, mi-Arabes, après dix ans passés au delà de la mer Méditerranée…

Tel m'est apparu, il y a un peu plus d'un an, l'auteur de ce livre. Issu d'une bonne famille du Midi, qui tient aux Cambis et aux Raousset-Boulbon, Eugène Bazoua, tout enfant, en 1846, avait eu l'occasion de voir et d'entendre le jeune homme qui devait, un peu plus tard, conquérir la Sonora. En l'écoutant, lui aussi s'était senti la vocation des voyages et des aventures. En mer ! pour revenir, après avoir à peu près fait le tour du monde, faire l'exercice à cheval... A Saumur ! pour en sortir, à vingt ans, sous-officier d'un de ces beaux régiments d'Afrique, au costume oriental, à la vie nomade et poétique... A Bône, à Constantine ! pour fumer, boire et rêver jusqu'au vertige... Au désert ! pour combattre les tribus soulevées, percevoir l'impôt, chasser le sanglier ou la gazelle... En France enfin ! où l'on avait laissé son cœur, où l'on rapporte ses souvenirs...

Ce sont ces souvenirs, parlés d'abord, écrits ensuite au jour le jour pour ses amis, qu'Eugène Razoua a réunis. Quelques-uns des chapitres de ce volume ont paru dans la Vie Parisienne, le Nain jaune, le Jockey, les autres sont inédits. Mais je les connais tous, et j'éprouve un véritable plaisir à en parler le premier.

J'ai lu beaucoup de livres sur l'Algérie, presque tous très-bien faits, quelques-uns supérieurs à celui-ci par les aperçus et le style ; je n'en ai pas trouvé un seul qui m'ait plu autant. Les poètes décrivaient le désert, la campagne et les villes ; les hommes d'État entraient dans les détails minutieux des mœurs, des coutumes et des lois ; les soldats racontaient les incidents de la garnison, de la marche et des camps. Aucun ne disait ce que je voulais savoir avant tout : l'impression produite sur l'homme par les choses. Leurs livres fermés, je savais tout de l'Algérie, et je n'avais pas le sentiment de la vie algérienne. C'est que tous, là bas, étaient demeurés Français. Ils avaient regardé, ils avaient vu, ils n'avaient pas senti. Aucun ne s'était fait Arabe en imagination, ne fût-ce qu'une heure...

Ici, au contraire, je trouve un homme, jeune, né dans le Midi, d'une imagination vive, d'un esprit tourné vers le côté pittoresque, local, poétique, des pays nouveaux qu'il habite. Eugène Razoua est impressionné d'abord; la curiosité ne vient qu'après, et il se trouve qu'il a vu sans avoir songé à regarder. L'Algérie qu'il a découverte est sienne. Elle est faite de la vie qu'il y a menée, des émotions qu'il y a éprouvées, des drames de la nature ou de la société dont il a été le témoin et quelquefois l'un des acteurs. Les courts récits qui composent ce volume forment chacun un tout complet; mais, de même que des anneaux séparés forment une chaîne, de même ces parties isolées se relient en un ensemble. Cet ensemble, c'est la pensée de leur auteur, c'est mieux que sa pensée, c'est son émotion, tout ce qu'il y a d'intime et de meilleur en lui.

Faire de l'esthétique à propos d'épisodes de chasse et de guerre serait superflu. Pour recommander ce livre, un mot suffit :

« C'est un livre de bonne foi. »

Tony Révillon

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