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Vie de La Brochure
22 janvier 2022

Le fascisme et les campagnes

(j'ai déjà mis cet article sur le blog mais je ne le retrouve pas...)

Dès la parution du livre de Robert O. Paxton, Le temps des chemises vertes, Révolte paysannes et fascisme rural 1929-1939, Le Seuil, 1996, j’ai été frappé par l’observation ci-dessous au sujet d’Henry Dorgères dont il étudie le parcours. Etait-il un fasciste ? Et Robert O. Paxton répond avec minutie, suivant les périodes et à partir des faits. Cependant cette observation globale nous renvoie à des phénomènes plus généraux. Il a fallu attendre des décennies pour qu’enfin une étude soit faite sur les révoltes des paysans pendant la Révolution française et c’est d’abord un historien soviétique qui s’est livré à cette tâche, Anatoli Ado, mais ce monument n’a pas trouvé d’éditeur. Il a fallu que la Société d’Etudes Robespierristes prenne le taureau par les cornes en 1996. JPD

PS : J’inclus l’oubli qui entoure Renaud Jean dans le même phénomène.

 Texte de Paxton

« Impossible de ne pas poser la question du « fascisme rural » d'un Dorgères. C'est la crise agricole qui avait donné à Mussolini ses premiers alliés vraiment puissants, et qui avait permis à Hitler de remporter ses premiers succès électoraux. Une fois bien implantés dans le monde paysan, les deux apprentis dictateurs avaient été en mesure de convaincre d'influents dirigeants de la droite qu'ils étaient des forces dont on ne pouvait se passer, et qu'il fallait donc courtiser, défendre contre l'État chaque fois qu'il essayait de leur opposer la loi, et finalement faire entrer au gouvernement quand il ne leur serait plus possible de gouverner seuls. On ne comprendra jamais la façon dont le fascisme a pu arriver au pouvoir en Italie, et le nazisme en Allemagne, sans prendre en compte leurs succès initiaux dans le monde paysan.

Aucune étude sur les succès et les échecs du fascisme en France ne peut donc négliger les campagnes. Par une curieuse lacune de l'imagination, aucun historien n'a jamais pris comme objet d'enquête le fascisme rural français. Les très nombreux travaux sur le fascisme en France traitent tous, sans aucune exception, des mouvements urbains et de ces citadins que sont les intellectuels. Tout se passe comme si les historiens ne pouvaient s'empêcher de surévaluer le rôle des gens qui leur ressemblent, sans trop s'attarder non plus aux comparaisons avec les autres pays. Pourtant, si c'est la crise agricole qui a donné au fascisme ses premiers bastions dans le reste de l'Europe, impossible d'apprécier les forces et faiblesses du fascisme à la française sans regarder aussi les campagnes.

Dans le cas français, il est d'autant plus indispensable d'étudier la dimension agricole du problème que la France avait une proportion d'agriculteurs supérieure à celle des autres grandes puissances européennes. Le pays comptait encore 50 % de paysans, et aucun gouvernement ne pouvait survivre sans le soutien d'une partie importante de cette population agricole et aucun nouveau régime n'aurait pu être instauré sans le consentement des paysans. La République ne s'était vraiment installée en France que du jour où elle s'était implantée dans les villages. Le fascisme, à son tour, allait-il s'implanter dans les villages français des années 30 ? Et peut-on parler de « fascisme au village» dans le cas français ? »

Robert O. Paxton

 

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