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Vie de La Brochure
12 février 2022

De Valière à Claire

Valière

Depuis longtemps M et Mme Beaudufe préparent un livre au sujet du couple Claire et Sabinus Valière. Parmi leurs magnifiques trouvailles, ils ont déniché à l’INHA, ce beau texte, ils m’ont autorisé à le placer sur le blog et je les en remercie. J’ai cherché qui était Georges Ville mais je n’ai rien trouvé. Son article est magnifique et nous révèle parfaitement la complicité existante entre les deux époux, complicité qu’il m’arriva de mentionner dans le livre auquel j’ai participé.

J-P Damaggio

 Art et Artisanat

Nos amis S. Valière

Par Georges Ville

Une silhouette svelte, sévère un peu. Voila Valière au beau nom clair.

D’aucuns prétendent qu’il est froid.

Il le parait. Il ne l’est pas. Point d’homme dont le cœur soit plus ouvert à toutes les émotions, plus accueillant à toutes les misères, plus abandonné à tous les enchantements de la nature et de l'art.

De là, un goût de la distance qui est celui de tous les sensibles, dont le frémissement intérieur se défend.

Dans un monde où l’intrigue hâte trop souvent la carrière haletante des médiocres, Valière ne recherche pas l’utile camaraderie qui favorise le cheminement d'une ambition sans fierté. Il se détourne des cordialités faciles qui mentent. Aimé de beaucoup, il est vomi de quelques-uns qu’il a choisis. A leur honneur.

Je me plais à penser que, d’une lointaine ascendance sarrazine, ce brun Limousin a sans doute hérité cette douceur grave qui rayonne d’une âme secrète, et qui, dans la lumière un peu voilée du fin regard, seulement se révèle à qui mérite de la discerner.

Un talent sobre, lucide et fort, tel est le sien, qui ne cède jamais aux entrainements d’une éloquence de parade, mais ordonne, éclaire, convainc.

Il y a plus de vingt ans que Valière a fait ses premiers pas dans l’hémicycle du Palais-Bourbon, où il représente l’ardente cité des émaux.

Quelque temps interrompue par un caprice du Souverain, son activité parlementaire nous est rendue en 1932. Elle se distingue par un caractère essentiel : la calme volonté, mais fervente, mais opiniâtre — assez comparable à la persévérance passionnée de l’artiste — de modeler sans cesse plus strictement le Droit sur la Justice dans tous les domaines de la vie sociale.

Cette volonté, nous en avons un des témoignages les plus anciens, le plus émouvant, dans la lutte courageuse que Valière a longtemps poursuivie afin d’obtenir que les décisions des conseils de guerre et des cours martiales fussent révisées, et réhabilités les fusillés de Souain et de Flirey.

Il l’obtint. Le succès de sa généreuse entreprise, que secondait l’approbation enthousiaste de tous les groupements d’anciens combattants de France, fut consacré par une loi réparatrice — la première loi Valière.

A considérer l’ensemble de l’œuvre parlementaire de Valière, il apparaît au premier regard que, dans ses manifestations diverses, elle est dominée et comme gouvernée par un souci constant : libérer le travail de l’inhumaine servitude à quoi le condamne le désordre d'une économie désuète, dont la défaillance, chaque jour aggravée, retentit si brutalement sur les destins de la communauté nationale.

En 1927, Valière, rapporteur du budget du l’agriculture à la Commission des Finances — où il compte, déjà sept années de collaboration — conçoit et définit dans le détail un plan de rénovation agricole. C'est de ce plan, consulté non sans fruit par divers ministres de l’agriculture, que procèdent à l’évidence, la plupart des mesures récemment adoptées en matière d’économie agricole, depuis surtout que l’on s’applique à déterminer les méthodes les plus efficaces d’une «production dirigée».

Au début de la législature en cours, la Commission des Finance confie à Valière la tâche, exceptionnellement pesante et délicate en ce temps cruel de chômage, de rapporter le budget du travail. Dès lors, un horizon plus large s'ouvre à ses recherches. Ce n’est plus seulement l’économie agricole, c’est tout l’édifice économique du pays dont la reconstruction sollicitera son étude. Trois volumineux rapports témoignent de l’ampleur de l’effort assidu qu’il poursuit d’année en année. Ils sont drus de conceptions neuves, sages tout ensemble et hardies, soutenues d’une documentation minutieuse et probante. Souvent l'occasion s’est offerte à Valière d'en produire quelques-unes à la tribune de l’assemblée. Toujours écouté, applaudi, et bien au delà des sévères limites de son parti, a-t-il été toujours entendu? Mais, n’est-ce pas aussi le sort des initiatives salutaires de se heurter d’abord à l’obstacle de la paresse, de la peur et du préjugé ?

Le fait est, néanmoins, qu’en dépit d’une position politique assez peu favorable à lui concilier d’emblée le bon vouloir de la majorité de ses collègues, Valière, tenace et persuasif, a, plus d’une fois, conquis l’adhésion de la Chambre aux mesures qu’il proposait.

C’est ainsi, notamment, qu'il faisait adopter naguère une loi réservant aux artistes et artisans d’art les travaux nécessaires pour les sauver, autant que possible, du malheur du chômage. Et ce fut la seconde loi Valière, telle que se plaisent à la nommer ses bénéficiaires reconnaissants.

Je ne sais quoi me dit que, de tous les succès de ta carrière, c’est celui-là précisément, dont il a ressenti la plus fière joie, la plus profonde. C’est que, l’artiste et l’artisan, il devait, par une affinité de nature, s’en représenter la détresse — le morne plainte de toutes, parce que toujours la moins offerte à la pitié, la plus pudique — avec une vivacité singulièrement douloureuse et pressante.

N’est-il pas vrai, âme toujours en alerte divine sur les cimes de la lumière, n’est-il pas vrai, Claire Valière, vous qui savez — de quelle palette splendide ! — composer pour nos yeux charmés la prodigue harmonie de tous les sortilèges de la couleur ?

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