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Vie de La Brochure
10 décembre 2022

Dunes vu par Gilles Alfonsi

Débutant son exposé à Dunes Gilles Alfonsi a tenu à rappeler le cadre général à savoir qu’en 1943 l’espoir change de camp chez les opposantes à Vichy. De ce fait les troupes allemandes vont chercher à accroître leur férocité pour terroriser la population afin de l’empêcher de se soulever. Le débarquement de Normandie va accroître cet espoir.

Le tournant de 1943 est souvent symbolisé par la victoire des Russes à Stalingrad (le 2 février 1943) que je ne veux pas minimiser en rappelant le débarquement des Alliés en Sicile (10 juillet 1943) et la chute de Mussolini à Rome (le 17 août). Ce fait ne pouvait qu’avoir des répercussions concrètes à Dunes vu la très forte présence d’Italiens. Malheureusement pour la commune il n’existe pas à ce jour ni le recensement de 1936 ni celui de 1945 pour mesurer cette importance italienne qui bien sûr peut être tout autant une présence d’amis de Mussolini que d’amis de la gauche. J’ai simplement le nombre d’habitants : 930 habitants en 1911 mais seulement 824 dix ans après. Avec une remontée à 887 en 1936. Comme partout dans cette région la remontée est liée à l’arrivée des paysans italiens.

Des noms d’Italiens apparaissent dans le livre mais sans un paragraphe spécial.

Je fais ce détour pour commenter le chapitre sur Dunes la Rouge.

 Le temps long de l’histoire

Le 13 mars 1940 le sous-préfet évoque « l’esprit frondeur de la population de Dunes »[1].

La gendarmerie au même moment : « Les passions politiques ont toujours été très développées [à Dunes] »

Le 23 janvier 1941 le sous-préfet : « La commune de Dunes, où les passions politiques ont été longtemps très vives, en raison de l’existence d’une cellule communiste, a toujours fait l’objet d’une surveillance particulière de la part des services de gendarmerie. »

On le constate, pour les autorités l’esprit fondeur est devenu un lieu commun.

Côté opposant au régime Gilles Alfonsi cite une lettre de Pierre Delpech au curé du village : « Maintenant qu’un régime haï vient de s’implanter en intrus dans notre pays nous prouverons s’il le faut que nous n’avons pas démérité de nos ancêtres de 1789. »

Gilles Alfonsi écrit :

« S’il est difficile de relier directement cette implantantation [communiste] avec une ancienne influence révolutionnaire, il existait pendant la révolution française une Société montagnarde des sans-culottes de Dunes. »

J’a tenté la même recherche à Samazan où là j’ai pu établir le lien direct et affiché entre l’influence communiste et les révoltes de 1851. Pour Dunes je rappelle que mon ami l’instituteur Michel Cadène a repris un travail sur la dite société montagnarde : Dunes société populaire

Par l’histoire locale la perception du temps long devient plus claire et elle tient bien sûr à la persistance des traditions paysannes souvent minorées voire méconnues..

 Le temps du communisme

Alfonsi débute ainsi son chapitre sur « Dunes la Rouge »:

« Contrairement à certains départements voisins comme le Lot et l’Ariège, l’implantation du Parti Communiste en Tarn-et-Garonne est relativement faible avant la Seconde Guerre mondiale.»

Phrase tout à fait exacte dans le cadre de l’organisation toulousaine du PCF mais pas dans le cadre de la région bordelaise. En fait Dunes se trouve géographiquement à la croisée de trois histoires : le Lot et Garonne (région bordelaise), le Gers et le Tarn-et-Garonne. Du point de vue de la déchristianisation il se trouve du côté du Gers. Du point de vue communiste avant la guerre Dunes se sent plutôt du côté du Lot et Garonne avec un député communiste paysan dès 1920. D’ailleurs avant la création du Tarn-et-Garonne en 1808, le canton d’Auvillar était en Lot et Garonne, le département où la révolte populaire de 1851 a été immense.

Je lis dans le livre d’Alfonsi : «Dès les années 1930 les communistes de Dunes se distinguent négativement selon la direction du Parti. » L'esprit frondeur pouvait aussi se manifester contre la direction du parti ? Ils veulent travailler avec Agen et non avec Montauban, or de 1930 à 1934 les positions de la cellule de Dunes sont plus celles de Renaud Jean déjà unitaires, que celles de la direction nationale et montalbanaise clairement sectaires.

Quand la ligne du PCF change Alfonsi indique : « Mais quelques années plus tard en 1936, une conférence de la région cite Dunes en exemple pour son travail en faveur de l’unité paysanne… »

D’où le double intérêt du livre qui, en fixant minutieusement l’histoire à partir du cas de Dunes, permet de la lire autrement, et tout particulièrement l’histoire du communisme rural à laquelle je suis très attaché (où l'évolution de Mgr Théas qui peut en surprendre plus d'un).

Comment mesurer le poids du PCF à Dunes ?

Je lis : « En fait à Dunes, le conseil municipal compte au moins quatre adhérents du PC sur douze membres, neuf élus au total étant considérés par les pétainistes comme «communisants».»

Sur la même page 41 le délégué du PCF, Hubert Ruffe (l’ami de Renaud Jean) compte un seul membre du PC dans le Conseil municipal. 

Une des sources plus politiques que les municipales sont les élections cantonales.

« Les élections cantonales de 1937 vont confirmer une implantation croissante (le Parti communiste arrive à présenter 19 candidats) et une influence en hausse notable : plus de 15% pour C. Amisse dans le canton d’Auvillar, près de 13% pour Champié à Verdun, près de10% pour Soubiran à Montaigu »[2].

J’ai déjà publié l’ensemble des résultats du 82 qui confirment l’originalité du canton d’Auvillar.

Je n’ai pas à ce jour le résultat précis de la commune de Dunes mais il doit être supérieur au score cantonal de 15%.

Avec le cas de Verdun ou de Montaigu, comme avec le cas de Laguépie dès 1920, ce communisme rural tient à l’activité concrète de personnages marqués par la première guerre mondiale.

Notons en passant que Montaigu était aussi en Lot et Garonne avant 1808.

Avec son score stupéfiant aux cantonales, Clovis Amisse récupère là le bénéfice d’une stratégie communiste unitaire qui fut toujours la sienne et que le Front populaire a renforcé, stratégie qui sera aussi au cœur de son combat dans la Résistance.

Ses bons rapports avec la SFIO ne signifiaient en rien qu’il mettait son étiquette dans la poche puisqu’il a incrusté sur le mur de sa maison le signe de la faucille et du marteau !

Pour 1936 on importe dans la circonscription un candidat extérieur (sur Moissac comme sur Castelsarrasin) comme si les Montalbanais n’avaient pas confiance en Clovis Amisse qui aurait pu l’être avec sans doute un score supérieur au 3,5% obtenus. Je reviendrai sur ce point.

J-P Damaggio



[1] Archives départementales du 82 4 M 627

[2] P. 14 Le PCF dans la résistance en Tarn-et-Garonne, 1985

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