Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Vie de La Brochure
10 décembre 2022

Starmania vu par le communistes en 1979

stramania

Starmania est un opéra rock de Michel Berger sur un livret de Luc Plamondon. Le spectacle est présenté pour la première fois le 10 avril 1979 au Palais des Congrès de Paris. Voici la version du spectacle sur le journal de la Jeunesse communiste avec deux articles, un de son rédacteur en chef Jean Charles Eleb et l’autre de Dominique Sanchez. A ce moment là la Jeunesse communiste a décidé que son journal sera hebdo et non plus mensuel et la directrice en est Sylviane Ainardi. Pour la fête du journal sont annoncés Renaud, Julien Clerc, Alan Stivell. Une mini fête de l’Huma.

J-P Damaggio

P.S. Le dessin est de Champalou

Question déjà évoquée sur ce blog

 Starmania l’opéra-crise

Affiches géantes, spots publicitaires toutes les heures sur Europe 1, Guy Lux au créneau, reportage sur les trois chaînes maintenant « Starmania», que vous le vouliez ou non, vous en aurez tous au moins entendu parlé. A priori ça se présente pas mal.

POUR la musique l’auteur des chansons de quelques grandes vedettes largement appréciées, pour les paroles un canadien de la nouvelle génération du Québec et pour la mise en scène le créateur de « Hair » et « Jésus Christ super star ». Le tout chanté et dansé par quelques valeurs sûres de la jeune chanson française et québécoise. Les moyens mis en œuvre sont considérables. Entre 500 et 800 millions d’anciens francs, 25 représentations au palais des congrès, une «bombe» au stade olympique de Montréal où l’on attend 80 000 personnes, une tournée dans les palais des sports de France après les vacances, un projet de film et la reprise du spectacle en Belgique, en Italie, en Suisse, dans les pays Scandinaves et à New York. Certains parlent déjà d’un succès mondial comparable à la « fièvre du samedi soir » ou « Grease » dont les disques s’étaient vendus à 1 million d’exemplaires. Pour le moment le résultat chez nous, c’est que ça marche. 400 000 disques vendus depuis la sortie, 96 000 entrées en trois semaines, et numéro un au hit parade des 45 tours et des 33 tours. Ça marche certainement parce que le pouvoir du matraquage est réel. Mais ça marche aussi parce que dans cette société pourrie quand on met en chanson les interrogations de millions de jeunes on est entendu. C’est sûr ! CHANTER « j’ai seulement envie d’être moi », « qu’est ce que je vais faire de ma vie », « on dort les uns contre les autres » ou encore vibrer beaucoup de monde, on y retrouve nos rêves, nos angoisses, nos envies secrètes... Tout « baignerait dans l’huile » si « l’opéra rock de l’année » n’avait pas aussi d’autres ambitions.

Malheureusement il en a. S’appuyant sur le vécu d’une jeunesse qui vit dramatiquement toutes les conséquences de la crise et qui dans un même mouvement participe au combat pour la définition et l’avènement d’une société nouvelle les -Auteurs fabriquent un « pot pourri idéologique ». On y retrouve pèle mêle, le « héros casseur » la star-télé, la zone, la pornographie, le béton, les politiciens tous mis sur le même plan, le petit boulot dont on crève, les cafés où l’on s’ennuie, le chômage. Et aux questions lancinantes de la jeunesse le refrain de l’opéra rock répond immanquablement « y’a plus d’avenir sur la terre ».

Mais m’objectera-t-on : « vous voyez la politique partout, faut tout de même pas exagérer ». C’est vrai, j’en suis convaincu, on ne peut apprécier sous peine d’un appauvrissement dommageable une création culturelle avec des critères strictement politique. Mon propos n’est d’ailleurs pas de trancher sur les qualités professionnelles d’untel ou untel mais les auteurs ont pris le parti (qui n’est pas critiquable en soi) de faire une incursion sur le terrain de la politique. Ils expriment des réalités et dessinent les contours de solutions. Et c’est là que rien ne va plus. Les idées forces mises en avant sont la violence, le renoncement et le fatalisme face à une société où l’individu même rebelle ne peut rien.

Vus les moyens mis en œuvre pour la diffusion du disque et du spectacle cela devient un évènement qui dépasse le seul terrain de la culture.

Après la bof génération du Nouvel Observateur, les « suicidez vous » de Libération, les exhortations régulières de Barre à la jeunesse sur le thème « ne bougez pas je roule pour vous » sur un autre registre nous voilà avec le « y’a plus d’avenir sur la terre » de Starmania. Emboîtant le pas aux radios et aux télés le journal de Dassault a reconnu un des siens. Il lui consacre sa Une et soutient ses efforts pour dénoncer « LA Violence, la déshumanisation, le totalitarisme ». On a les alliés qu’on peut. C’est dommage. Berger, j’aime bien. Mais « Hou, hou méfions nous » même avec un bon emballage, les vieilles idées restent de vieilles idées... Qu’on se le dise... Jean Charles Eleb

 Deuxième article

Chacun a ses manies en se levant le matin… Y en a qui se jette sur la cafetière avant d’entreprendre quoi que ce soit… d’autres révassent de longues minutes sur le bord du lit... Moi je dirige l'index vers le bouton du transistor.

C'est comme ça que j’ai découvert « Starmania ». Ou plutôt des chansons dont un speaker m’expliquait qu’elles étaient extraites d'un tout, d'un opéra rock, de l'événement musical de l’année : Starmania.

Peut-être l'avez vous déjà remarqué : quand on se rase ou quand on se brosse les dents, on entend plus qu’on écoute. On chope des bribes de phrases au vol. Tout glisse sur nos méninges encore engourdies. « Avec lui j'ai envie de danser, de planer dans les airs, de marcher sur la mer... » me disait France Gall. « J’veux pas travailler juste pour travailler, je voudrais seulement faire quelque chose que j’aime » répondait en écho une autre voix. C’est pas mal non ! Et puis pour moi «Starmania » c'était surtout une musique. Une musique qui cogne ou qui fait rêver, agressive ou mélodieuse dans tous les cas bien mixée, bien arrangée. Bref, quelque chose de pas désagréable qui distrait, qui fait danser.

SANS RÉFLÉCHIR

L'équivalent musical du film bien léché où « faut pas trop se creuser» mais qui est agréable. De là à se laisser convaincre par une équipe de bons potes du bien fondé d’une sortie au Palais des Congrès, il n’y a qu’un pas. Et je l’ai franchi. Me voilà donc embringué dans « cette aventure » — on y va — le bus, le tube, la porte Maillot. Le Palais des Congrès — l’entrée — On montre patte blanche : tout est en règle on a payé l’Impôt, le droit de passage : 75 F pour pouvoir s’asseoir dans les fauteuils moelleux. On est déjà moins copains « Starmania » et moi. Je me dis en moi même qu’ils n’y vont pas avec le dos de la cuillère et je calcule dans ma tête le nombre de films que j’aurais pu voir... et qui me passeront sous le nez. J’suis pas un matheux mais j’arrive quand même à 5 films... Enfin, c’est pas tous les jours qu’on va voir «l’événement ». Puis, je le raconterai aux potes qui pouvaient pas se le payer. Ça y est. On est installé - J’suis callé dans mon fauteuil - 21 heures — ça commence. Je ne m’attendais pas à la sobriété, au style Brassens ou autre chanteur folk mais de là à penser qu’il y aurait autant de clinquant et de poudre aux yeux... : une centaine de télés couleurs, une scène qui s’ouvre en deux, un plateau qui tourne... N’en jetez plus, la cour est pleine... Mais aussi des costumes tape à l’œil, une sono nazillarde, des chanteurs en manque de voix (exceptées Fabienne Thibault et Diane Dufresne) et pour tout dire une certaine dose de vulgarité.

Tous des Stars

Tout de suite une idée de spectacle gentillet inoffensif et inodore en prend un sacre coup derrière les oreilles : Balavoine fait son entrée «nous ce qu'on veut c'est être heureux, être heureux avant d’être vieux». Légitime non ! mais la recette du bonheur suit : « quand on arrive en ville Tout le monde change de trottoir / ... des gars qui se maquillent / ça fait rire les passants mais quand ils voient du sang sur nos lames de rasoir / ça fait comme un éclair dans le brouillard / qu’est ce qu'on va faire ce soir / on va peut-être tout casser... ».

Tout un programme... Mon laxisme bon enfant s’estompe peu à peu. Mon attention se tend. La « serveuse automate» entre en scène. Le temps rythme ses paroles : « qu’est-ce que je vais faire de ma vie, j’ai juste envie d’être bien, j’ai pas envie de faire comme tout le monde, mais faut bien que je paie mon loyer ». Enfin un jeune comme moi, comme mes amis qui sont à côté... les chœurs qui couvrent sa voix lui conseillent d’aller «cultiver ses tomates au soleil »... Tout un programme conquérant. Le spectacle vient à peine de débuter et déjà la colère commence à me gagner sérieusement. Pourtant je n’en suis pas au bout de mes peines : la politique en tant que telle rentre dans l’arène. Tous des stars, crie une voix pendant que sur un écran géant défilent les portraits de Carter, Tito. Séguy et Castro

-Ça y est j’ai pigé ! Ça me rappelle une vieille rengaine réactionnaire... mon faciès se crispe un peu. Il se crispe même beaucoup quand « zéro janvier » rentre en scène : Candidat à la présidence de l’occident, en tenue de cuir, ganté et botté, avec un brassard au bras. Son parti s’appelle P.P.P.P. (parti pris pour le progrès).

Les vaches ! L’idée du progrès présenté par un facho... Faut l'faire ! Pas de répit

—      ça recommence crescendo : - on se fout de tout, on se fout d’être malheureux, on s'aime encore mieux quand on a plus rien à perdre... ». Tout commence à s'ordonner. Après la violence et le renoncement, la désespérance fait son apparition. La boucle est boudée. Tout y est.

Il ne reste plus qu’à terminer par le commencement : belote, rebelote, et dix de der sur la violence pour faire un beau finish : le loubard tue « zéro janvier »... et s’envole vers le paradis drapé de blanc.

C'est la lutte individuelle et violente qui accorde la grâce...

Les lumières se rallument. On se regarde. On est grave. Interloqué. On réfléchit : comme dit la pub « Starmania » avait la couleur, l’odeur... d’un opéra rock mais ce n’était pas (seulement) un opéra rock ; c’était (aussi) une bonne plâtrée idéologique...

Au fait, je me rase toujours en musique, mais désormais je fais gaffe.

Dominique Sanchez

 

Morceaux choisis  et historique

- J'ai la tête qui éclate, j’voudrais seulement dormir, m’étendre sur l'asphalte et me laisser mourir, J’ai plus envie de me battre, j'ai plus envie de courir... laissez-moi me débattre ne venez pas me secourir, venez plutôt m'abattre... »

« Y’a plus d’avenir sur la terre,... Y'a-t-il quelqu’un dans l'univers qui puisse répondre à nos prières ? »

« Dans les villes de l’an 2000 la vie sera bien plus facile on aura tous un numéro dans le dos... ou suivra gaiement le troupeau. »

« Qui est-ce qui viole les filles, le soir dans les parkings. Qui met l’feu aux building ? C'est toujours les zonards. »

« On dort, les uns contre les autres, on vit les uns avec les autres, on se caresse, on se cajole, on se comprend, on se console mais au bout du compte... on est toujours tout seul au monde »...

L’histoire

Monopolis, « ville de presque demain » inhumaine et bétonnée sert de décor. Là, règne la télévision qui tranquillise tandis que dehors la violence explose : une bande étrange (les zonards), sorte de bas fonds, mélange subtil de «baader» et du loulou ; « Zéro janvier » sorte de SS musclé, candidat à la présidence de l'occident qui se présente sous l'égide du Parti Pris Pour le Progrès, le « grand gourou » également avide de pouvoir et partisan de l’écologie violente s’entredéchirent.

Autour d'eux : la servante automate amoureuse d’un homosexuel qui court après... son idéal de danseur rock : elle observe et décrit les chambardements d’une voix douce et triste. Une actrice sex Symbol qui soutient la campagne de zéro janvier.

Enfin se greffent là-dessus une ou deux histoires amoureuses qui finissent mal.

Publicité
Publicité
Commentaires
Vie de La Brochure
Publicité
Archives
Newsletter
Derniers commentaires
Visiteurs
Depuis la création 1 024 021
Publicité