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Vie de La Brochure
9 janvier 2023

Du paysan à l’instit

Je pense que j'ai déjà mis ce texte sur le blog. Je le retrouve par hasard, or, comme j'y tiens beaucoup, je le remets, il vaut mieux deux fois qu'une. J-P Damaggio

P.S. Je viens de vérifier mais je ne rtrouve que des textes équivalents.

 

Tout ce que je vais vous dire est totalement anecdotique étant moi-même anecdotique.

Je suis un fils de paysan (de maraicher plus exactement) devenu instit et à un moment j’ai remplacé les instits partant en stage et j’ai donc parcouru notre département anecdotique. J’ai découvert la diversité des agricultures entre le paysan de Servanac qui cherchait des truffes et s’appelait Tabarly comme mon si grand copain instit, et celui de Lomagne cultivant de l’ail, c’était la nuit et le jour.

Je suis fils de paysan communiste et j’ai pu très tôt découvrir deux contradictions :

-          le paysan veut vendre ses produits au meilleur prix, et la classe ouvrière chère au PCF voulait s’alimenter au moindre prix !

-          le communisme est pour la collectivisation des terres or le paysan tient à sa propriété.

Un jour j’ai pensé qu’il était temps que je me confronte à de telles questions. Je suis allé voir, en 1986, le paysan Tartanac. Il venait de quitter le PCF ce que je ne savais pas et je ne savais pas que je ferai de même l’année après.

Autant l’un que l’autre nous sommes restés communistes car nous l’étions avant d’avoir la carte et nous pouvions le rester sans la carte.

Ce jour là à écouter Tartanac, j’ai compris que la question paysanne n’était pas seulement paysanne et qu’il fallait que je m’y plonge et le meilleur moyen c’était d’étudier le cas d’un paysan du Lot et Garonne Renaud Jean, le premier député communiste de France en décembre 1920. Il a animé un hebdo Le Travailleur du Lot et Garonne où j’ai pu vérifier que la question paysanne n’était pas que paysanne. Prenons un exemple anecdotique avec le célèbre Frédéric Cayrou.

Ce vétérinaire qui est devenu sénateur radical du TetG, plutôt connu pour faire rire le nombreux public venu l’écouter faire du théâtre, était fils d’instituteur.

Et que faisait son grand-père ? ce natif de Bourret était paysan-cantonnier. Paysan-instit-vétérinaire la question de l’ascenseur social que le paysan a connu toute sa vie : journalier -valet-maître-valet - métayer - fermier-propriétaire. Et voilà que je retombe sur la question de la propriété. La propriété pour devenir riche ?

Il existe une coupure radicale entre le monde industriel et le monde agricole. L’accumulation dans le monde industriel s’achève en société anonyme. L’accumulation dans le monde paysan s’achève en exploitation familiale.

Je parle pour le monde d’avant 1960, d’avant la généralisation de la mécanisation.

Le paysan ne cherche pas à avoir une propriété pour avoir deux, dix, vingt ouvriers.

Il cherche juste à vivre bien en famille sans chefs qui le commande, et sans qu’il ait personne à commander.

L’idée de collectivisation chère au communisme tient à cette erreur grossière qui a fait se confondre la production industrielle et la production agricole. Etrangement cette erreur est aussi celle du capitalisme ! Aux USA l’agriculture est une branche de l’industrie : comme l’extraction minière elle n’est là que pour fournir de la matière première à l’industrie. Il m’est arrivé de fréquenter un peu cette agriculture là et j’ai vérifié que la collectivisation des terres y était plus sérieuse qu’en URSS car là-bas la terre collectivisée avait été rendue vierge d’habitants !

Et pour me faire comprendre : le statut de l’instituteur a été copié sur le statut du paysan propriétaire.

La loi a mis en place le plus grand nombre possible de couples d’instituteurs. Au concours, il y avait le même nombre de places pour garçons et filles. Des bals étaient organisés pour que les couples se forment (on n’avait pas poussé l’objectif jusqu’à rendre les écoles normales mixtes). Quand ce couple était fait, il était nommé en poste double sur une commune, avec un logement de fonction pour qu’il s’installe le plus longtemps possible. L’instit devenait secrétaire de mairie et là la boucle était bouclée. Le couple d’instit n’était pas là que pour enseigner mais pour travailler la commune avec une récolte en fin d’année, très connue : les résultats au certificat d’études. Ce tableau ne serait pas complet si je n’ajoutais deux choses : comme le propriétaire, l’instit devenu fonctionnaire a la sécurité de l’emploi, et comme le propriétaire dont le travail se mesure sur plusieurs années, l’instit travaille pour les générations en marche. Encore en 1968 en entrant à l’école normale j’ai constaté la forte présence de fils de paysans sans la comprendre, et sans comprendre l’absence de fils d’ouvriers. Depuis j’ai noté que les fils d’ouvriers pensaient plutôt à l’ascenseur social, au sein des entreprises.

Je sais depuis qu’il existait en France deux logiques dont l’une s’est perdue à partir de la loi Pisani de 1962, pas à cause de cette loi, pas cause de Pisani mais à cause du fait qu’elle entérinait la mort devenue inévitable de la question paysanne, pas celle des paysans qui sont toujours là (mais de moins en moins nombreux) mais celle de la culture sociale qu’ils portaient. Une des crises de la France qui n’est pas la même ailleurs, tient à l’impossibilité à combler le vide malgré les bricolages sans fin qui, le plus souvent, ont aggravé le mal plutôt que de le résoudre.

A partir de là, la mort des paysans ne pouvait qu’entraîner la mort des instits.

J-P Damaggio

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Commentaires
L
La collectivisation des terres n'est rien d'autre que l'application mécanique à l'agriculture de la nationalisation dans l'industrie sauf que les deux modes de production sont radicalement différents de par l'histoire. Ce n'est donc ni du communisme ni du socialisme mais un aberration économique. La disparition des paysans change la donne avec comme conséquence, comme partout, la domination du fric.
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R
La collectivisation des terres est-elle vraiment du communisme ou est-ce une forme sociale de production entrant dans le processus du socialisme?<br /> <br /> une question....
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