Premier écrit célébré de Frédéric Cayrou
Poème écrit en 1918 à New York et célébré en 1921 par le Jeux Floraux qui le publient avec sa graphie et sa traduction, et qui sera repris dans le recueil Mon Gavelat en 1922.
A TRABÈS NOSTROS PALHADOS, RECUEIL DE POÈMES
QUI ONT OBTENU UN Œillet
Par M. FREDERIC CAYROU, vétérinaire, à Montauban.
Las Caminolos
Dins l'espessou des grandis blats,
A l'oumbro des mils que berdejon,
Tout à trabès rius è balats,
Las caminolos se passejon
Col toussudos è rens douplats.
Debat nostris pès soun nascudos;
D'elis an recebut lou joun
Per elis soun entretengudos,
E, quand leur faran plus besoun,
Se n' tournaran d'oun soun bengudos.
Couneisson pas que fantasio,
E, mal doumèchos de nature,
Ban coumo uno crabo faio,
Dabans elos,à l’abenturo,
Pla rouat qui las regio!
Semblon de cordos desplegados,
Perdudos per quauque gigan
E, dins sa courso, samenados,
Unjoun qu'abio mes, en passan,
Decaussos à pochostraucados.
Fan que lou bouiachou pressat,
Quand las sièc, arribo pu biste;
Mès sémblon
teni de bressat
Lou troubaire, soulet è triste,
Dins sas pensados afounsat.
Arremoson lous amourouses
Quand soun parados sus coustats
Per de bartasses amistouses,
Pla fèlhuts è prou naut mountats,
Espandits en ridèus jalouses.
Rescounduts per aques ramèls,
Lènc del trimbal de las carretos,
Lou joun i canton lous ausèls;
La nèit i troton las beletos;
Las talpos i fan de castèls.
Tout un pople que se debinho,
Que s'enten mès que se bei pas,
I ben del rastoul, de la binho,
De pertout, è dins lou bartas
S'embarro quand cauqu'un lou guinho.
AIabets, las creian souben,
Quand las bèstios soun enjauridos,
Desoulados coumo un couben,
Las caminolos atourtidos,
E mudos, s'èro pas lou ben,
Mès quand menon à las escolos
E que's mainaches, en troupèl,
I fan de galoupados folos,
A perdre soulhès capel,
Que brounzinon, las caminolos!
AU SEUIL DE NOS FERMES
POÈMES
LES SENTIERS
Dans l'épaisseur des grands blés, à l'ombre des maïs qui verdoient, tout à travers ruisseaux et fossés, les sentiers se promènent cous tordus et reins doublés.
Sous nos pieds ils sont nés; -d'eux ils ont reçu le jour; par eux ils sont entretenus, et, quand ils ne leur seront plus nécessaires, ils s'en reviendront là d'où ils sont venus.
Ils ne connaissent que la fantaisie, -et, mal domestiqués par nature ils vont comme ferait une chèvre,– devant eux, à l'aventure. Bien malin celui qui les gouvernerait.
Ils ressemblent à des cordes dépliées, perdues par quelque géant et semées dans sa course, un jour qu'il avait mis, en passant, des chausses à poches percées.
Ils font que le voyageur pressé, -quand il les suit, arrive plus vite; mais ils semblent bercer – le poète, seul et triste, – enfoncé dans ses pensées.
Ils rassemblent les amoureux- quand ils sont protégés, sur les côtés, par des haies bienveillantes, bien feuillues et assez haut montées, s'épanouissant en rideaux jaloux. Cachés par ces rameaux, loin du bruit des charrettes, les oiseaux y chantent le jour; la nuit, les belettes y trottent; les taupes y font des châteaux.
Tout un peuple –qui se devine, qui s'entend, mais qu'on ne voit pas y vient des chaumes, de la vigne, de partout, et dans le hallier s'enferme quand quelqu'un le guette.
Alors on les croirait souvent,- quand les bêtes sont épouvantées, désolés comme un couvent, – ces sentiers tortueux –et muets, si ce n'était le vent.
Mais, quand ils mènent aux écoles- et que les enfants, en troupeau, y font des galopades folles à perdre souliers et chapeaux– comme ils bourdonnent, les sentiers!