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Vie de La Brochure
19 juillet 2023

Mouloudi sur le journal SFIO du Tarn en 1951

Le Cri des travailleurs organe de la fédération SFIO du Tarn 14 juillet 1951

M. Mouloudji, l’œil moqueur, chante Paris : «Rue de Lappe, rue de Lappe, au temps joyeux, où les « frappes », où les « frappes », étaient entre eux... » « Car on a son orgueil, dans la rue Montorgueil... »

MARCEL MOULOUDJI, un gosse de douze ans, râblé, à l’épaisse tignasse noire, à l’expression déjà ironique, dénuée de naïveté, adoucie par un visage dont les traits gardaient encore leur modelé enfantin, débuta au cinéma dans « Jenny », le premier grand film de Marcel Carné. Ses traits perdirent vite leur tendresse. L’œil durcit, les joues se creusèrent, le gamin grandit. Enfant « costaud », bagarreur dans « La guerre des gosses », rêveur, épris d’aventures dans « Les disparus de Saint-Agil », il devint un jeune délinquant dans « L’enfer des anges », un assassin dans « Les inconnus dans la maison »... depuis, presque toujours, il incarne à l’écran des « mauvais garçons ». Le cinéma, en somme, l’a condamné... à jouer ce genre de rôles. Nombreux sont d’ailleurs les artistes obligés de tenir un même emploi durant des années, sinon toute leur vie. Mais nous abordons ici un problème qui dépasse le cadre de cet article. Revenons à Mouloudji. Du gamin déluré au mauvais garçon, de « La guerre des gosses » à « Justice est faite », quinze ans sont passes. Marcel Mouloudji avait douze ans. Il en a maintenant vingt-huit.

N’y aurait-il pas, en vérité, plusieurs Mouloudji ?

Certes, il y a le comédien, mais aussi le romancier — auteur d’ « Un voyage en Barbarie »...— le peintre et le chanteur simple, émouvant et railleur, que l'on peut applaudir aux Trois-Baudets dans le spectacle «Sans issue », et dans d’autres cabarets.

— J’ai d’ailleurs débuté comme chanteur, me rappelle Mouloudji. Je participais, tout enfant, aux fêtes populaires de mon quartier. Marcel Carné me remarqua et m’engagea pour chanter dans « Jenny ». Je fis ainsi, dans ce film, une brève apparition.

— Depuis, vous avez, jusqu’à présent, tourné au moins un film par an.

— Sans doute, mais jamais je n’ai obtenu un grand rôle, ni enfant ni adulte.

— Vous semblez trop modeste.

— Ne le croyez pas. Simplement, comme beaucoup d’acteurs, j’attends «mon» rôle.

— Vous n’avez pas, en somme, «choisi» la profession de comédien. Le hasard... et la chanson vous y ont conduit.

Mouloudji hésita... puis répondit affirmativement.

— Au contraire, vous êtes venu spontanément à la peinture et à la littérature.

— Je ressentais un besoin de m’exprimer, que le cinéma ne satisfaisait pas.

— Pourquoi n’écrivez-vous pas de pièces ?

— La pièce écrite, il faut la présenter à un tas d’intermédiaires. Alors se déroule une interminable discussion de gros sous.

Nous reparlons maintenant de la difficulté qu'éprouvent les anciens acteurs-enfants pour devenir des vedettes adultes.

— La concurrence !... Dans ce métier comme dans les autres — sinon plus — estime Mouloudji, on doit se « bagarrer ». Le plus « dur » gagne. Le talent ne suffit pas. Jadis, le théâtre était une profession maudite. Aujourd'hui, tous les «fils à papa» et «jeunes gens de bonne famille» veulent devenir acteurs. Mieux éduqués, plus instruits que les fils d’ouvriers, ils partent mieux armés. En outre, ils ne travaillent pas « pour vivre » !

Au moment de quitter Marcel Mouloudji, place Clichy, devant l’arrêt de l'autobus 74, je lui demandai :

— Préparez-vous un nouveau roman ?

— Oui. Et plus épais que les deux premiers. Il paraîtra aussi chez Gallimard.

Une jeune fille interrompit à cet instant ses confidences :

— Excusez-moi. Je viens de faire un pari : vous êtes bien l’acteur Mouloudji ?

— Oui, avoua-t-il, avec un sourire timide.

La jeune fille, ravie, s’éloigna.

— Vous le voyez bien, Mouloudji, que vous êtes célèbre !

Pierre ACHEME.

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