La France aux français ?

« La France aux Français ? Ce n’est pas la France ».

Raymond Devos 1975

« Soutenus fidèlement par des majorités de droite, ils [les Gaullistes] ont poursuivi une politique de gauche, favorable au collectivisme social, à l’étatisme économique, au communisme international. »

Voilà l’axe de la campagne de Le Pen en 1974 et personne ne s’étonnera de son fiasco tellement l’idéologie propre à l’extrême-droite y produit un discours inintelligible. On a l'impression de lire un texte d'un autre âge.

Ce discours persistera en s’adaptant à la gestion de Mitterrand qu’il va refuser au même titre que celle des Gaullistes d’où la singularité originelle du FN : contre la droite et contre la gauche.

Le thème de l’étranger bouc émissaire ne viendra qu’après, pour se substituer à l’anticommunisme.

Sauf que le slogan « La France aux Français » n’est pas une nouveauté.

Au débat du 16 octobre deux opinions sont apparues au sujte de ce slogan :

-         Est-ce seulement l’expression d’une émotion ?

-         Est-ce véritablement une pensée dans la stratégie du FN ?

L’articulation entre émotion-sentiment et pensée-raisonnement est un problème constant. Comme Lluis Llach le notait à propos du nationalisme, ou du socialisme, au départ les deux positions peuvent être «épidermiques» puis se consolider par le raisonnement.

 Trente ans de fidélité de l’électorat FN en croissance, tend à démontrer que ce slogan pivot du vote FN va au-delà de l’émotion pour signifier une vision de la société.

Mais dans la stratégie du FN lui-même quelle place peut-il occuper ?

Comme déjà indiqué, je prétends que le FN cherche plus à coller à l’air du temps qu’à construire une pensée, mais s’il navigue au jour le jour, il est cependant porté par une conception de la société.

Idéaliser le passé, célébrer le peuple, grandir la France autant de lieux communs qui lui servent de repères. Et dans tous « la France aux Français » résonne comme un repère : la France d’hier sans les immigrés, le peuple d’hier sans les immigrés, la France grande sans les immigrés.

 Preuve que ce slogan s’appuie sur une épaisseur historique, j’ai donné en référence un livre de 1893 qui déjà s’intitulait : «La France aux Français». Après lecture un des participants vient de m’en faire le résumé suivant : "Ce doc est passionnant, qui s'en prend aux juifs, aux gens de couleur, aux italiens. Je pense qu'il est l'œuvre d'un franc maçon royaliste et catholique, même si le remplacement des infirmières bonnes sœurs  par des instits laïques le chagrine. Les rouages bancaires y sont très bien décrits. L'étranger y était vu comme un profiteur actif et non un fainéant comme de nos jours. La pyramide des structures de gouvernement qu'il propose a un côté touchant de naïveté."

 On peut changer d'époque et constater que la réflexion repose sur les mêmes bases pour des projets différents mais équivalents. J-P Damaggio