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Vie de La Brochure
31 mars 2023

Encore sur le FN-RN en 2002 : mon point de vue d'alors

Je n'ai rien à enlever à ce texte de 2002 qu'en fait j'ai développé dans un livre bien plus tard. JPD

 Réflexions sur le vote d'extrême-droite

En 1984, en tant que militant communiste j’ai vécu douloureusement le coup d’éclat du FN : 11% à l’élection européenne. L’explication avancée par les dirigeants communistes rendait le phénomène circonstanciel : une seule liste à droite (j’y reviendrai), l'argument de la lutte contre un gouvernement socialo-communiste, et le fait que l’élection européenne est considérée comme un défouloir.

Le PCF se retirant du gouvernement, allait-il s’engager dans une nouvelle direction ? Très vite l’élection législative de 1986 confirma le vote FN : 35 députés furent issus du vote à la proportionnelle ! La réflexion n’avança pas d’un brin puisqu’il fallait préparer l’élection présidentielle où Georges Marchais décida de laisser la place à André Lajoinie.

En octobre 1987 j’eus le grand privilège, en réunion de cellule du PCF, de suivre à la télé, grâce à une cassette vidéo, le débat Lajoinie-Le Pen en compagnie de quelques dirigeants du PCF qui eurent cette conclusion : « Lajoinie a pu enfin démasquer Le Pen ! ». Ce fut ma dernière réunion de cellule et depuis j’essaie de continuer une action politique en dehors des sentiers battus.

Avec le recul nous pouvons apprendre beaucoup du vote Front National d’abord, et extrême-droite ensuite. Les réflexions qui suivent s’appuient sur le cas original de mon département du Tarn-et-Garonne où depuis 1984 le FN obtient ses meilleurs scores de la région Midi-Pyrénées.

1)      L’influence FN n’est pas le résultat d’une activité militante, de l’influence d’un leader local, du clientélisme si souvent présent en politique. Je ne néglige pas les études démontrant la présence de groupes FN dans des cités ou ailleurs mais elles me paraissent raisonner à l’ancienne manière. En réalité les résultats démontrent d’abord que le vote FN est national et résulte de l’effet télévision. De Gaulle fut le premier à démontrer l’impact du petit écran en matière politique mais depuis 1984 cet impact et d’un autre ordre. Il frappe les esprits avec le cas Le Pen comme avec Arlette Laguiller. En TetG il n’y a jamais eu un militant de LO et pourtant les résultats de ce mouvement correspondent à la moyenne nationale. L’effet télé nous en avons eu des exemples - moindre il est vrai - aux législatives de 93 et 97 où des inconnus attirèrent des voix à cause de cet effet télé (la semaine de 4 jours par exemple). Nous pouvons ajouter comme exemple le cas Besancenot qui a le mérite d’élargir encore la réflexion : il a confirmé que l’électorat aspirait à de nouvelles têtes. 

2)      Le contre-exemple est celui du parti des militants, je veux dire le PCF. Par le nombre considérable de ses membres le PCF aurait dû être le premier à sentir l’évolution, préparer une riposte, mais il se laissa aller et découragea ceux qui le soutenaient.

La politique a changé de nature et la question qui est posée à présent est la suivante : comment construire un mouvement alternatif en usant de la télévision de manière alternative ? Sans cette réflexion le reste continuera d’être de la rhétorique puisqu’il s’agit de reconstruire la démocratie. Si en effet 15 jours de campagne à la télé valent plus que l’investissement au quotidien, les militants sont ridiculisés pourtant pas de démocratie sans la participation citoyenne, à laquelle aspire pas mal de monde. 

3)      Il serait désastreux d’en rester à ce point. La télévision reste un instrument pas une cause. Par cet instrument Le Pen a fait passer non des idées mais une proposition constante : « la France aux Français ». Cette proposition a rencontré un large soutien sur la base de plusieurs facteurs : le racisme latent, la crise économique et le renversement des références sociales. Une fois qu’on a constaté un vote national de base, il faut étudier la carte de France du FN et saisir par les différences quelques enseignements. Tout le monde connaît le fort vote FN sur les bords de la Méditerranée. Le TetG est loin de cette mer mais, en tant que département agricole, il a hérité d’un des facteurs propres au Sud-Est : la présence de rapatriés d’Algérie qui sont venus dans les vallées pour faire vivre une agriculture de main d’œuvre (je parle des rapatriés riches). Ils jouent sur deux tableaux en exploitant les immigrés tout en les dénigrant. Le Pen surfe pour une part sur les blessures de la guerre d’Algérie que l’actualité ne peut refermer et que notre système éducatif n’ose affronter.

4)      Mais après le facteur raciste, le vote d’extrême-droite en TetG peut s’associer à la misère ambiante. Quand on interroge José Bové, de suite, on lui parle du vote lepéniste paysan et il est obligé d’indiquer que dans les enquêtes il est dans la moyenne (17%). Il aurait pu ajouter que ce vote est variable suivant les agricultures. Le côté rural du TetG conforte souvent une idée toute faite : le fort vote extrême-droite vient de la campagne. Or les zones les plus rurales proches des départements de l’Aveyron et du Gers votent le moins FN comme les deux départements mentionnés ! La carte du vote FN dans mon département suit la vallée de la Garonne et du Tarn, zone dite d’échanges où les gens auraient l’esprit ouvert. En fait il s’agit de zones de conflit où la misère sociale alimente le repli extrémiste.

5)      Et pour conclure le TetG démontre parfaitement que le thème de la sécurité ne sert qu’à masquer ou détourner les questions sociales. Même si à Montauban le vote extrémiste est fort, il reste inférieur au pourtour et à la zone Castelsarrasin-Moissac. En toute « logique médiatique» vu les émeutes des « quartiers chauds » le vote Le Pen devrait y être plus important ! Beaucoup de citoyens sont surpris par le décalage entre résultats et explications avancées. Combien de fois ai-je entendu cette réflexion : « Dans ce village il y a 30% pour Le Pen et pourtant il n’y a aucun problème avec les immigrés. » ! Celui qui la prononce n’ose pas remettre en cause les schémas imposés alors qu’il voit concrètement qu’ils sont faux.

Jean-Paul Damaggio.

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