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Vie de La Brochure
27 juillet 2018

Les Frances et les Québecs

OPINION_GERARD_BOUCHARD

 

En lien avec ce texte de Gérard Bouchard publié dans la Presse au Québec.

 Pas plus que le Québec la France n’a jamais existé.

Pour ma part, ayant toujours été du côté de la France révolutionnaire il se trouve que j’ai avec passion étudié les adversaires de cette France là. L’enfumeur des Berbères et Arabas en Algérie (Saint-Arnaud), le soutien de Vichy (René Bousquet), les adversaires de Dreyfus qu’on va retrouver dans les luttes contre la loi de 1905 etc.

Gérard Bouchard tout à son admiration pour LA France aurait, semble-t-il découvert avec retard «le visage sombre de la France». Il a toujours été au cœur de ma réflexion.

 Pour articuler des liens entre les deux pays il me semble qu’il faut passer par d’autres repères que l’éphémère victoire de son équipe de foot.

 La religion

Le Québec existe grâce à l’église catholique que la France a mis au pas dès 1789 au nom de la tolérance religieuse imposée pour une part par les protestants (pour être schématique).

Par une « Révolution tranquille » le Québec a voulu s’émanciper de cette tutelle à qui elle doit tant ? Cette émancipation ne risquait-elle pas de livrer le pays dans les bras adversaires de toujours l’anglophone ? L’épisode du FLQ a démontré que « la société en mutation » ne pouvait pas être aussi tranquille qu’espéré.

Bref l’église a joué deux rôles : celui de soutien et celui de soumission.

 La langue

L’église renvoyée un temps dans ses cathédrales, il restait au Québec un drapeau, celui de la langue. Là encore l’opposition entre la France et le Québec est radicale. Oui la France de 1789 tente d’imposer enfin le français, contre les langues régionales, comme elle va imposer le système métrique contre les poids et mesures locaux. La langue n’est rien en soi même si pour tout poète, elle est d’abord en soi. En 1789 et les années qui suivent, le français est la langue de l’émancipation, de la communication générale, de la compréhension, bref, de la Révolution. A ce moment là et pendant très longtemps l’église catholique va favoriser les parlers locaux contre le français, pour faire populaire. Je suis de ceux qui pensent que la Révolution aurait pu être plus subtile car le français langue des lumières pouvait s’articuler avec des langues locales porteuses des valeurs démocrates. Beaucoup d’hommes ont tenté cette articulation et prouvé son efficacité. Mais peut-être cette question renvoie à d’autres sur « le tout ou rien » dans la pensée française.

Au Québec, le québécois est dans une autre fonction car il est face à tout autre adversaire. Contre la domination anglophone il est le moyen de la survie et l’église catholique le savait très bien. Quand le français est la langue des élites qui va vers le peuple, le québécois est la langue du peuple qui va tenir la dragée haute aux élites ! Gérard Bouchard ne mesure pas la différence de statuts.

 Les paysans

Le côté rural peut unir les deux pays. C’est la France rurale qui va être au cœur du colonialisme français en Algérie comme au Québec. Or les élites françaises ont de cette France rurale une vision très négative car c’est elle qui empêcherait le pays de devenir, comme l’Angleterre, un pays capitaliste d’avant-garde !

Je ne vais pas ici développer ce point capital mais simplement rappeler que colonialisme est aussi un mot à lire au pluriel. Et les Amériques y aident beaucoup avec les colonialismes, espagnol, portugais, français, anglais et autres.

Pourquoi Napoléon accepte-il de vendre aux USA la Louisiane ? Il existe peut-être un livre à ce sujet qui témoigne à la fois du mépris de Napoléon pour les colons français de ce pays et son incompréhension des Amériques, bien antérieure de celle de de Gaulle.

 De Gaulle

L’incompréhension de de Gaulle ? Mais faut-il oublier qu’au même moment il ne comprenait plus rien à son propre pays la France ? Si bien que les Français le renvoyèrent dans son village en 1969 ?

En quoi la mutation du Québec des années 60 est-elle différente de celle de la France ? La société québécoise affronte des adversaires différents de ceux de la France mais pour le même objectif, le modèle made in USA sauf que pour une fois la Québec a une longueur d’avance sur la France, c’est un pays des Amériques ! Les Amériques que de Gaulle veut contrer en allant se faire applaudir au Québec et au Mexique !

 Et aujourd’hui

Un amie algérienne démocrate qui vient de découvrir le Québec nous indique que c’est finalement le pays où elle aurait aimé vivre plutôt qu'en France. Comme elle parle le français plus que l’arabe ou le kabyle ça aide. Il ne faut pas oublier que derrière le rêve québécois il y a le rêve américain si puissant en Europe et aillleurs depuis 1945. J’ai connu aux USA la publicité coupant les films en 1975 pratique qui est venue "enrichir" la télévision française bien après. Malgré tout, bien sûr que les USA font rêver et particulièrement les élites françaises et dans ce contexte le Québec apparaît pour certains comme une porte d’entrée plus acceptable vers les Amériques. Pour moi le titre de gloire du Québec est d’être à la fois un pays des Amériques qui a su résister à l’univers anglo-saxon, et un pays qui porte les Amériques. Quand cet univers anglo-saxon tente de coloniser la France d’aujourd’hui, par l’intermédiaire d’élites qui hier préférait Hitler au Front populaire, le dialogue d’égal à égal entre des éléments des deux pays peut être fructueux pour chercher une alternative à cette tendance dominante. Jean-Paul Damaggio

PS : C'est un autre Algérien Boulem Djemad pointe sur son facebook l'Audition - du Collectif citoyen pour l’égalité et la laïcité du 3 novembre 2016 | 11 h 34 | Durée : 0:42:23 ICI

 

 

Principaux champs de recherche de Gérard Bouchard

Imaginaires collectifs

Mythes sociaux et nationaux

Révolution tranquille

Mythes de l’Union européenne

Fondements symboliques du lien social

Gestion de la diversité ethnoculturelle

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Commentaires
D
Merci du commentaire qui m'incite à creuser la question. j'apprends par exemple que les négociateurs US étaient partis pour acheter l'île à l'entrée du Mississippi et pour le même prix Napoléon a tout vendu ! Creuser non pour refaire l'histoire mais pour en cerner le sens. jpd
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P
"Pourquoi Napoléon accepte-il de vendre aux USA la Louisiane ? Il existe peut-être un livre à ce sujet qui témoigne à la fois du mépris de Napoléon pour les colons français de ce pays et son incompréhension des Amériques"<br /> <br /> Pour Napoléon, la perte d’Haïti sonnait le glas des espérances coloniales en Amérique, à l'époque la Louisiane (en fait la vallée du Mississippi) n'avait seule pas d’intérêt économique pour les dirigeants impériaux. En plus la vente aux États-Unis affaiblissait l’ennemi anglais. Géopolitique à la courte vue..
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L
Quand j'écris "français langue de la révolution" je ne dis rien d'autre que le fait qu'elle a été la langue des élites de la révolution et c'est ce qui apparaît dans la conclusion (langue d'en haut descendue vers le peuple). Oui, en Russie avant même la révolution elle a été langue de culture et elle l'a été aussi dans d'autres pays avec des Alliances françaises en pointe. Mais ce statut ne change rien au pouvoir du français en France. <br /> <br /> Et en effet le clergé catholique, je pense l'avoir rappelé, a aidé le sentiment national quand il aidait à la défense de son statut. <br /> <br /> Je pense que le texte de Jacques Desmarais sur une historiette confirme en effet que le québécois est bien une langue à part entière. Tout comme au Portugal on s'aide du portugais d'Angola pour défendre le portugais de Lisbonne, je prétends depuis longtemps que le québécois est un outil majeur pour défendre le français de France. jpd
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G
Le français "langue de la Révolution ! ". C'est vite dit. Car cette langue fut, jusqu'au début du xxème siècle, la langue de toutes les élites. Pouchkine écrivait en français à sa bien aimée avant de découvrir les ressources poétiques de la langue russe. Marie Antoinette écrivait à sa mère en français. Tolstoï insère des passages en français dans ses textes car les gens cultivés parlaient français entre eux pour ne pas être compris par le peuple. C'est encore en français que le négus d'Éthiopie dénonce l'invasion italienne à la Société des Nations et en français que le traité russo-japonais est rédigé en 1905... N'oublions pas que le français était la langue de l'administration ottomane à Salonique (où on trouvait très peu de Grecs) et la lingua franca à Alexandrie et sur les rives du canal de Suez. Bref, le français fut le successeur du latin alors que l'allemand était la langue véhiculaire de l'Europe Centrale et Orientale. La victoire de l'anglais est dû essentiellement à l'hégémonie américaine et à sa simplicité (du moins à l'écrit). <br /> <br /> Quant au Québécois, il s'agit quasiment d'une langue à part entière. Plus différente du français que ne le sont le tchèque du slovaque ou le norvégien du danois écrit (pour la prononciation, c'est une autre paire de manche). <br /> <br /> Il faudrait, également, revenir sur le rôle de la religion et, surtout, du clergé, catholique dans la préservation de la langue et du sentiment national de peuples dominés : Polonais, Lithuaniens, Irlandais, Québécois et Acadiens...
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