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Vie de La Brochure
19 janvier 2019

Gilets jaunes et répression

Il m’est rarement arrivé d’évoquer les questions de la violence peut-être parce qu’en Tarn-et-Garonne elle a été réduite même si elle a été présente. Elle s’est surtout produite contre les occupations de la Rocade. Sans entrer dans le détail aujourd’hui je reprends ici un entretien avec Marie Toustou qui a aussi eu les honneurs de France 3 et qui apporte des éléments concernant Toulouse. Il faudrait coupler ce travail avec une étude des décisions de justice contre les gilets jaunes suite à des comparutions immédiates. J-P Damaggio

 L'Humanité

Marie Toustou « Il y a, chez les policiers, une volonté de blesser »

Mardi, 15 Janvier, 2019, Laurent Mouloud! !

Violences. Depuis deux mois, Marie Toustou observe avec d’autres militants les pratiques des forces de police lors des manifestations des gilets jaunes. Constat accablant. ! ! Leurs chasubles barrées du mot « observateur·e » dans le dos sont désormais bien connus à Toulouse. Depuis le début du mouvement des gilets jaunes, chaque samedi, des militants de la Ligue des droits de l’homme (LDH), du Syndicat des avocats de France (SAF) et de la Fondation Copernic, réunis depuis deux ans au sein de l’Observatoire des pratiques policières, scrutent les interactions entre les forces de police et les manifestants lors des défilés dans la Ville rose. Appareil photo en main, ils déambulent par groupes de trois et consignent par écrit, assorti d’images et de vidéos, tout acte jugé excessif. Après deux mois passés dans le cœur des manifs, Marie Toustou, de la LDH, ne peut que constater une disproportion des moyens et des réactions policiers. Entretien.

Pourquoi avoir créé un Observatoire des pratiques policières ?

Marie Toustou Avec le SAF et la Fondation Copernic, nous travaillons depuis fin 2016 sur la problématique des manifestations. C’est pourquoi nous avons créé l’Observatoire en 2017. Cela nous est apparu comme une nécessité citoyenne après la gestion policière catastrophique de Sivens, où Rémi Fraisse a perdu la vie, et d’autres manifestations marquées par des violences disproportionnées. Daniel Welzer-Lang, sociologue au CNRS, nous a aidés à construire une méthodologie d’observation scientifique, avec la volonté d’être le plus objectif possible. Nous nous sommes rodés pendant les mobilisations contre la loi travail où Toulouse fut le lieu expérimental de la technique dite du « nassage ». C’était déjà violent, mais il faut avouer que, depuis le début du mouvement des gilets jaunes, on est dans une tout autre dimension…

 Quel constat général faites-vous ?

Marie Toustou Il y a, incontestablement, une violence décuplée par rapport aux mobilisations traditionnelles, avec un emploi de la force disproportionné par rapport à la gravité des actes, qui témoigne d’une volonté agressive de blesser. Cette violence n’a pas été immédiate. Elle est montée graduellement, à la fois dans l’ampleur du dispositif policier et dans ses modes d’action. Ainsi, les 1er et 8 décembre, lors des premiers actes des gilets jaunes, bien que le nombre de manifestants fût très important à Toulouse, il y eut peu d’interventions policières et de brutalités. En revanche, après la journée du 15 décembre, nous avons assisté à un surdimensionnement systématique du dispositif. On compte désormais quelque 600 policiers sur zone, contre une centaine habituellement, pour 5 000 à 6 000 manifestants au maximum, avec la présence de deux canons à eau et de deux blindés. Ce déploiement massif agit comme une violence symbolique qui crée de la tension. Mettre des blindés face à des gens qui manifestent pour des revendications sociales, c’est terrible. Ensuite, au-delà de l’ampleur du dispositif, les modes d’action se sont également durcis à partir de la mi-décembre, avec une volonté des policiers de faire dégager très tôt les manifestants du centre-ville. Dès le premier pot de peinture jeté, les CRS réagissaient immédiatement, sans sommation, à coups de canon à eau et de gaz lacrymo, visant la foule sans distinction. La violence nourrit la violence. Et, dans ces cas-là, cela dérape très vite. Enfin, dès qu’il fait nuit, vers 18 heures, ces violences redoublent. « C’est puissance dix », disent les manifestants. De fait, c’est en fin de journée que les agents des compagnies d’intervention et de la BAC (brigade anticriminalité) font leurs interpellations, souvent des jeunes et souvent dans la violence. Le 12 janvier, un observateur a vu une personne à terre se faire taper dessus par six ou sept policiers !!!

 Vous faites des nuances entre les différents policiers ?

Marie Toustou : Oui. Les CRS sont relativement conformes à leur formation et à leur rôle. Je n’ai, par exemple, jamais entendu de leur part d’insultes à l’encontre des manifestants. En revanche, les compagnies d’intervention sont beaucoup plus violentes. Le 12 janvier, je les ai vues frapper dans le dos des jeunes et les injurier parce qu’ils ne quittaient pas assez vite la place du Capitole. Les agents de la BAC, c’est un peu la même chose. Ces policiers, très agressifs, sont souvent à l’origine des violences que nous constatons et nourrissent la rage plutôt que de calmer les choses. Arrêter quelqu’un qui commet une infraction, bien sûr. Mais pourquoi le frapper ?

 Y a-t-il également une utilisation disproportionnée des armes ?

Marie Toustou Tout à fait. Il y a un emploi systématique des LBD 40, les lanceurs de balles, ainsi que des grenades assourdissantes et de désencerclement, qui sont souvent utilisés sans rapport avec la gravité des actes. On ne peut pas répondre à un jet de peinture par des tirs de LBD 40 ou une grenade ! C’est de la folie. Ce type d’arme mutile. En deux mois, on a comptabilisé entre 250 et 300 blessés, dont trois très graves au visage. Il faut interdire ces armes dans le maintien de l’ordre si on veut revenir à un rapport plus apaisé entre policiers et manifestants.

 Quel impact cette gestion a-t-elle sur les manifestants ?

Marie Toustou Cela crée une ambiance délétère, de haine, de rancoeur. La plupart des gens sont là pour manifester, pas pour casser. Le 5 janvier, les canons à eau ont même visé les secouristes volontaires qui soignent les passants… Cela a suscité beaucoup de colère. Au final, cette répression menace le droit de manifester. On est obligés de s’équiper et je connais de nombreuses personnes, y compris chez nos observateurs, qui ont désormais peur d’y aller. Dans le même temps, depuis la semaine dernière, il y a chez les gilets jaunes une certaine prise de conscience qu’ils doivent agir pour apaiser les choses. Certains d’entre eux ont mis des brassards jaunes et ont passé la manifestation à éviter les dérapages, à inciter à ne pas répondre à la provocation. Cela a plutôt bien fonctionné. La manif a été plus apaisée. C’est une manière de se protéger et de protéger le droit à manifester.

Marie Toustou, Membre de l’Observatoire des pratiques policières

Entretien réalisé par Laurent Mouloud

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