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Vie de La Brochure
19 octobre 2021

Le Sarkophage : Toulouse dans Ralentir la ville avril 2010

Demain le Conseil Régional va voter 1 milliard pour la LGV après que Toulouse Métropole ait voté 600 millions. C’est l’investissement le plus fou de toute l’histoire de la ville car le plus ridicule. Aussi, à relire ce texte de 2010, je me dis qu’il y a dix ans encore nous pouvions espérer, mais qu’à présent les élus sont tellement cadenassés par les féodaux que l’avenir est bouché. Les carottes sont cuites ! J-P Damaggio

 Bouge Toulouse mais vers où ?

Jean-Paul Damaggio

Le 12 novembre 1981 la Halle aux Grains de Toulouse vibre aux sons lancés par des poètes dont André Benedetto qui, en son style unique, déclame « Feux Amis ».

« Ça brûle au pied des HLM

Les sirènes de la police

Prennent en chasse dans la nuit... ».

Vous dites, déjà en 1981?

« Les morts vivants sont parmi nous

Cerveaux lavés ils font des feux

Pour voir l'ombre de leurs désirs

Et pour s'inscrire dans l'histoire. »

Si Toulouse est aujourd'hui passée à gauche, est-elle pour autant réellement sortie de l'idéologie productiviste?

En 1981, la Halle aux Grains de Toulouse est un lieu qui ressemble un peu à la Mutualité parisienne. Depuis, une rénovation a su mettre en valeur toutes les qualités artistiques du bâtiment pour des concerts où Joan Baez a pu chanter sa nostalgie. À Montauban, le même bâtiment avait été détruit au début des années 1960 pour sacrifier au dieu voiture... celui qui brûle ensuite dans les HLM. Raccourci emblématique : années 1960 on vire le vieux bâtiment; là où il a survécu, les années 1970 en font un forum politico-culturel; années 1990, le politico disparaît au profit du tout culturel.

En 2000, Wajdi Mouawad un immense artiste libano-québécois s'installe à Toulouse et publie dans un livre la photo d'une église proche de la préfecture, l'église Saint Etienne, avec cette légende: « il m'a fallu un an pour remarquer que la rosace de la cathédrale Saint Etienne est décentrée vers la gauche par rapport au portique principal. Ce genre de découverte me permet de comprendre qu'il est possible d'écrire des phrases dont les "rosaces" sont aussi décentrées. »

Toulouse ville rose, ville à part, se serait décentrée à gauche avec les années 2000 grâce à une liste originale aux municipales de 2001 : Les Motivé-e-s. La liste, médiatique en un temps où le «mouvement citoyen» avait le vent pour lui, fut marquée par la présence d'un groupe musical, Zebda : un retour du politico-culturel, un retour des débats enflammés des années 1970 et 1980 ?

Pas vraiment... Même si Toulouse est depuis passée à gauche, la patinoire, installée autrefois sur la place du Capitole par la municipalité centriste, est restée exactement la même... Rassurez-vous, elle est devenue eco-énergétique ! Le geste aurait pu être symbolique : virer cette foutaise pour annoncer un autre futur, mais ça sera peut-être pour plus tard... En attendant, Toulouse garde son image de ville moderne dotée d'une nouvelle ligne de métro, de soleil et de terrasses de café qui ne désemplissent pas.

Toulouse manipule plusieurs contradictions : ville universitaire considérable, ville aéronautique considérable, ville capitale considérable.

 

Repenser Toulouse hors du productivisme

La ville aspire toute la jeunesse de la région Midi-Pyrénées et reverse vers sa banlieue les travailleurs d'une industrie de pointe. Toulouse est un va-et-vient et chacun se demande comment le penser? C'est là que les Verts firent en août 2008 leurs journées d'été et Francine Bavay s'y distingua: « L'écologie populaire est incompatible avec le capitalisme. En érigeant le principe intangible que tout s'achète et tout se vend, en faisant du profit le sens de la vie, le capitalisme transforme la nature et les humains en marchandises. Au nom du principe "une action = une voix", il marchandise le pouvoir, ce que la démocratie théoriquement interdit, au nom du principe "une personne = une voix". Le capitalisme vert, à cet égard, n'offre aucune réponse. Une voie alternative implique donc la promotion d'unités de production autogérées fondées sur la démocratie dans l’entreprise et des circuits courts de distribution. L'économie solidaire, décision de production collective, privée et/ou publique, représente un complément des services publics. Elle ne peut s'y substituer, mais peut prendre l'initiative quand la volonté politique fait défaut. »

La vice-présidente de la région Île-de-France, au discours clairement anti productiviste, pouvait-elle concrètement dire, à cette occasion, comment apporter à Toulouse quelques bénéfices de sa gestion? Y a-t-il seulement des bénéfices anti productivistes à sa gestion? Que faire de l'industrie aéronautique par exemple ?

On ne peut, me semble-t-il, discuter de l'avion en soi. Pour aller de Paris à Toulouse ou de Paris à New York, l'avion n'a pas la même fonction. Donc quel type d'avions promouvoir, quel type abandonner, comment reconvertir? Toulouse a un rôle majeur sur ce plan.

Aujourd'hui le projet de construction d'une ligne TGV partant de Toulouse pour rejoindre Bordeaux est avancé, tout comme le projet de nouvelle rocade contournant Toulouse.

Une autre ville, plus digne de l’idéal anti productiviste, suppose en fait une réflexion d'ensemble, une géographie générale, une articulation politico-culturelle retrouvée. Que dire de Toulouse-Madrid ? Une ligne d'avion à « bas coût » a été mise en place, car par la route et le rail, c'est toute une affaire. Repenser les transports à chaque niveau consiste à repenser les stratégies sociales.

L'Autre liste aux municipales de 2008 avait démontré par exemple que la gratuité des transports collectifs, souhaitable d'un point de vue écologique, était possible.

Comment articuler ce projet avec la construction de parkings gratuits à l'entrée de la ville ou de la communauté d'agglomération? Quant au vélo, les chiffres sont clairs : seulement 3 % des déplacements se font en vélo. Or, dans une ville italienne comme Bologne, ils représentent 25 %! Quand on sait que le cas de Bologne n'est cependant pas représentatif des villes italiennes, on comprend qu'il y a derrière un tel résultat une réelle volonté politique avec sans doute ses succès et ses échecs (la Bologne rouge est aussi passée à droite).

Pas de souci, des réunions à Toulouse travaillent à la question (Tisseo avec la Révision du plan de déplacement urbain) pour s'auto-féliciter : pour 150 km de pistes cyclables en 2001, nous en avons 211 en 2007. Une avenue importante est devenue piétonne et cyclable, mais espérons qu'on n'y compte pas les berges du canal devenues cyclables sans effort !

Toulouse permet aussi un autre type de réflexion et d'action, car depuis longtemps cette ville est celle d'étrangers, les Espagnols d'abord, les Italiens ensuite, les Maghrébins à présent.

La ville espagnole est rendue visible par le cinéma. En particulier, la présence d'un très riche festival de cinéma latino américain en mars constitue un lieu de rencontre fortement installé qui peut permettre des confrontations avec les expériences des Amériques. Cet événement s'inscrit dans une vie associative riche qui mobilise beaucoup de personnes.

Y compris quand une usine explose ! Si l'on prend le cas de l'explosion d'AZF, symbolique de beaucoup de données de la vie actuelle (avec en particulier le refus de condamner les coupables), il existe là aussi une rencontre politico-culturelle marquée par la publication d'un livre de nouvelles. Vingt auteurs se sont en effet associés pour écrire ce qui me permet de terminer par une citation du facétieux Georges Lapagesse :

«Rappelons aux non anglophones que Too-Loose se traduisant mot à mot par "trop relâchée, trop libre, trop libertine", elle devait moins son surnom de Ville rose à la brique dont elle était construite qu'à la trop grande liberté de mœurs la caractérisant au Moyen-âge, époque où l'on s'égorgeait gaillardement dans ses venelles insalubres; les temps avaient bien changé ! »

Comment faire encore changer les temps pour être en avance d'une révolution ? Pour que la ville fasse l'expérience d'une sortie du productivisme ? Quelque part, j'en suis sûr, des esprits aventureux y travaillent... 

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