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Vie de La Brochure
19 novembre 2019

Mexique, Jorge Volpi et les truands

un roman mexicain

En 2018, à la parution de son roman, la novela criminal je m’étais promis de lire enfin Jorge Volpi. La traduction, sous le titre Un roman mexicain, l’affaire Florence Cassez, a été traduit au Seuil en avril 2019.

Jorge Volpi y démontre qu’un roman qui s’affiche sans fiction est possible, je veux dire qu’on peut le lire comme un roman même si toutes les pièces relèvent de la plus stricte réalité. Nous sommes un peu dans le même cas que le roman de Padura, L’homme qui aimait les chiens, ou dans celui de Vazquez Montalban, Galindez. Sauf que là ce n’est pas l’histoire qui est l’aliment mais l’actualité.

J’ai pu croire un temps qu’après 1810 quand le Mexique annonça l’ère des indépendances face à l’ère des colonisations européennes, qu’après 1910 quand il annonça l’ère des révolutions sociales contre les fascismes européens,  nous pouvions espérer que 2010 il allait annoncer l’ère des révolutions globales. Avec Marie-France nous étions au Yucatan pour vérifier la nature de la dite révolution et bien des indices démontraient que la nouvelle ère était en marche. C’était sans tenir compte du fait qu’une Française survivait dans les prisons du pays.

Jorge Volpi fait du 9 décembre 2005 l'heure de son arrestation fictiv (la réelle se passa la veille), la date symbolique du Mexique des truands vu sous l’angle des institutions. Il est un peu gênant d’y apprendre que seule la police et la justice mexicaine sont avec les médias dominants un repère de truands (il me faudrait lire l’opéra-bouffe en trois actes, Les Bandits où peut-être l’autre face du pays y est présente(1)). Même si cette découverte est déroulée de manière imparable !

libro_jorge_volpi-2

Le cas Florence Cassez nous rappelle la nature des rapports contradictoires entre la France et le Mexique. Pour une part le Mexique des révolutions a toujours été un admirateur de la France des révolutions or la France de Napoléon III est venue envahir le Mexique peu de temps après que les USA aient repoussé le pays au-delà de la frontière du Rio Grande (ou Rio Bravo). Une trahison qui fait que le cas de Florence Cassez accusée d’être chef de bande, est devenue similaire à l’intervention de Napoléon III : comment une Française a-t-elle osé intervenir dans les affaires mexicaines ?

En fait, si on ajoute aux truands du pouvoir les truands du crime organisé, le Mexique de 2005 n’annonce pas l’ère des révolutions globales mais celle des truands planétaires. C’est vrai en 2010 nous avons découvert au Yucatan un journal comme Por Esto ! plus démocrate encore que La Jornada nationale (qui s'est normalisé depuis), faisant d’AMLO le futur sauveur de la nation et si AMLO a perdu en 2012, ne pouvant de ce fait sauver Florence Cassez, il a fini par gagner de la plus belle des manières en 2018. Oui mais une hirondelle ne fait pas le printemps !

Le roman de Jorge Volpi (qui salue en passant Antonio Tabucchi) est la version totalement inversée du roman inoubliable de Carlos Montemayor (1947-2010), La Guerre au Paradis (1991), le roman d’une autre histoire (où la fiction est aussi réduite au minimum). Carlos Montemayor (très peu traduit en France) est du côté de la révolte paysanne, du Mexique rural et même s’il ne raconte pas une guérilla des temps anciens, il parle du Mexique historique. Jorge Volpi (très traduit en France) né en 1968 écrit un roman urbain où les truands sont devenus les héros modernes ! Même si la ciudad de Mexico n’est pas le seul lieu évoqué (le reste du pays servant de refuges divers) nous vivons la ville par tous les pores possibles.

Bref, le Mexique continue d’être, à mes yeux, le sismographe de la planète et en guise de révolutions globales il annonce la globalisation des truands qui passe par la disparition des Etats–nations. Tant que le PRI (parti révolutionnaire institutionnel) a tenu le pays pendant presque un siècle, sa puissance permettait de contenir les délinquants dans un cercle étroit. Le paradoxe de l’histoire a voulu que sa chute en l’an 2000, présentée comme une avancée de la démocratie (des hommes de gauche volèrent au secours du président de droite) en fût la mort par le début du démantèlement de l’Etat-nation. Là comme ailleurs le pays fut vendu au plus offrant et aujourd’hui, régulièrement, l’homme le plus riche du monde est un Mexicain !

Le crime organisé au Mexique a beaucoup étudié les diverses mafias italiennes pour mieux prendre le contrôle de cet immense pays. Mais ce n’est là qu’une des formes féodales modernes qui imposent aux riches de vivre dans des quartiers sous haute protection identiques aux châteaux-forts d’hier. S’excluant de la société ils se désignent, dans toutes les Amériques, comme quartiers inclusifs avec leur propre police, leurs propres règles ! Le sens truqué des mots permet le succès de ce monde à l'envers comme Galeano l'a si judicieusent démontré.

Aujourd’hui Florence Cassez revit quelque part en France avec en son corps les traces d’un drame devenu roman, un drame qui ne l’empêcha pas de découvrir en détention le Mexicain de son cœur, un prisonnier politique qu’elle a épousé et avec qui elle continue d’exister. J-P Damaggio

(1) Elle est présente dans cet article : ICI

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