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Vie de La Brochure
26 mai 2020

Charles Dickens sur l'Eclipse

charles Dickens

Charles Dickens

Dickens ! voilà un nom que j'écris comme j'écrirais le nom adoré d'une exquise maîtresse, avec un tremblement de joie dans la main, le cœur battant délicieusement, l’âme enivrée, légère, un horizon infini de rêves charmants devant les yeux.

Oh ! mon Dickens bien-aimé ! comme me semble douce, facile, pleine de récompenses délicates la tâche qui m'incombe aujourd'hui de dire à l'intelligent public de l'Eclipse quelques mots trop courts à propos du portrait qui honore la première page de ce journal !

Parmi mes aînés, mes maîtres, ces pères de mon âme, beaucoup ont mes grandes, mes solides admirations, mes amitiés violentes, tenaces; mais, jamais écrivain ne fut vénéré par moi aussi filialement que vous, cher étranger !

Vous avez toutes mes tendresses.

Il n'y a pas deux manières d'aimer Dickens.

On l'aime passionnément, ou il inspire un ennui profond.

Dieu soit loué ! Le nombre des gens qui, après avoir parcouru trente pages écrites par l'auteur de David Copperfiel et des Contes de Noël, ne peuvent aller plus loin, et rejettent le livre au diable, est restreint, très restreint.

Il faut se borner à les plaindre. S'ils savaient ce que les œuvres de Dickens réveillent dans le cœur de bons sentiments endormis, s'ils savaient combien on sort de cette lecture meilleur, allégé, disposé à trouver, à chercher, le côté aimable et bon des êtres et de la vie, qu'ils se repentiraient, qu’ils regretteraient les douces émotions méprisées

Heureusement le groupe de ceux qui lisent, que dis-je, qui vivent les romans de Dickens, se faisant le compagnon de ses héros, souffrant, riant, aimant, espérant avec eux, est devenu considérable en France, et s'accroît tous les jours

Il est si bon de voler une heure à l'existence aride, à la lutte, aux soucis, et, au lieu de se plonger dans les peintures navrantes que font de la vie, avec un immense talent, les auteurs français, de la consacrer, cette heure bénie, aux admirables livres de Dickens qui font croire, qui remontent, comme on dit, qui remettent de la jeunesse à l'âme, du cœur au ventre, qui rappellent à la fraternité !

Le poète a charge d'âmes. Dickens, poète ingénieux, n'a pas failli à sa mission. Son immense, son sincère amour de l'humanité souffrante, des misérables, éclate généreusement dans son œuvre, d'un bout à l'autre.

Lisez Bleak-House, lisez Nicolas Nickleby, lisez le Magasin d'antiquités, lisez la Petite Dorrit, les Temps difficiles, et vous sentirez une irrésistible pitié vous envahir, et vous comprendrez quelles consolations divines ces livres, avidement attendus en Angleterre, apportent dans les cœurs désespérés, ulcérés, et combien il doit être populaire et saintement aimé, l'auteur qui consacre son talent à signaler aux classes riches, dédaigneuses, indifférentes, les misères épouvantables qui, à dix pas des hôtels somptueux, passent en haillons, et versent leurs larmes amères.

Que de bienfaits, nombreux et inconnus, ont fait naître les exemples exquis qu'il donne, que de conversions ils 0nt opérées dans des cœurs endurcis ! Voir D0mbey et fils, Martin Chuzzelwitt, Barnabé Budge !

Et, mettant de côté ce noble aspect de son talent, que de larmes bienfaisantes ; soulageantes, il a fait verser ! Que de rires consolants il a arrachés aux lèvres les plus contristées !

L'humour anglais, dans ce qu'il a de plus fin, de plus saisissant, de plus inattendu, se montre constamment dans les vingt et quelques romans de Dickens et l'observateur étonnant profondément original, le peintre minutieux, exact, vient s’y joindre au loyal socialiste, à l’humoriste.

Je prends le mot socialiste dans son acceptation naturelle et élevée.

L'œuvre de Dickens est la gloire de l’Angleterre, une gloire pure, durable.

Certes, — mais l’espace me manque – il me serait doux de dire encore quelle vie puissante anime tous les personnages devenus, pour la plupart des types célèbres ; je voudrais montrer aussi à quelle hauteur il pose aux yeux des jeunes filles l’amant ; l’époux idéal ; et comme il sait, au lieu d’exposer les misères inhérentes aux unions françaises, faire voir les délices du foyer, les honnêtetés de la vie de famille, les charmes de la tâche humaine, ses joies modestes, tranquilles.

Mais, à mon grand regret, je suis forcé de quitter ce rôle qui m'est cher, et je vais terminer par quelques renseignements biographiques, renseignements très courts, incomplets.

En Angleterre on fouille fort peu dans la vie privée des hommes publics. Ce n'est par la mode.

D'ailleurs Dickens, ayant l'intention d'écrire sa biographie lui-même, à l'usage de ceux qui ne devinent pas les débuts de cette grande âme charmante, en lisant ses livres, les journalistes anglais ne savent rien de plus que ce que nous savons nous-mêmes.

C'est-à-dire que Charles Dickens est né à Portsmouth le février 1812 ; que, dans diverses pensions, à Chatan et à Rochester, il fit la dure expérience de la vie d'enfant loin de ses parents.

Puis, qu'il mena une existence fort aventureuse mais fructueuse pour l'écrivain futur ; en sortant de l'étude d'un avoué où la volonté paternelle l’avait confiné pendant dix ans.

Dickens comme Shakespeare composa et joua à cette époque diverses pièce de théâtre : il faisait partie par goût, et par suite de circonstances exceptionnelles, d’une troupe nomade qu'il a décrite avec tant de verve plus tard dans Nicolas Nickleby.

Plus tard, revenu à Londres, il se fait sténographe, par un puissant effort de volonté simplifie la sténographie existante, et devient l'un des plus excellente reporter de la presse anglaise.

Ce fut au The true Sun, puis au Miroir du parlement qu'il débuta, d'abord comme sténographe, puis comme écrivain

Ses Scènes de la vie anglaise, merveilleusement exactes, au Morning Chronicle, et qu'il signait modestement Boz, furent remarquées vivement, Cruikshank les illustra. Elles ne sont pas traduites en français.

Enfin parurent les Papiers posthumes du club des Pickwickiens (Monsieur Pickwick.)

Un rire général éclata. Le livre eut un succès colossal. Les éditions se succédèrent avec rapidité.

A dater de ce moment, Charles Dickens, abandonnant la sténographie complètement, se mit tout entier au travail. La réputation étant venue, la fortune ne fit plus la grimace, et le grand romancier marié depuis peu, fut à même de fournir sans entrave au publie les œuvres nouvelles impatiemment attendues de lui.

Trente ans se sont écoulés. Dickens écrit toujours, intarissable, et toujours le même, et l'enthousiasme ne s'est pas refroidi. On l'aime plus que jamais.

Avec son gendre, Wilkie Collins, l'auteur de l'étonnant roman, la Femme en blanc, il publie maintenant, dans un journal à lui, — le Tour de l’année, — tout ce qui sort de sa plume.

El le plus gracieux cadeau qu'on puisse faire à Noël est encore une de ses nouvelles élégamment reliée.

Longue vie à Charles Dickens, tel est le souhait le plus ardent que je forme, en ce moment, et que je lui envoie du plus profond mon cœur.

Ernest d’Hervilly

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