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Vie de La Brochure
15 juin 2020

Déboulonner des statues ?

La Boétie

Etant plus porté par l’étude de l’histoire que l’étude de l’actualité, comment ne pas dire un mot de ce jeu médiatique au sujet de statues déboulonnées ?

1)    L’histoire version USA

Belle occasion pour rappeler ce qui me tient à cœur à savoir le refus de la notion de « monde occidental ». Aux USA l’étude de l’histoire se résume à l’étude des films qui racontent l’histoire ! Bien sûr il existe quelques monuments indiens qui rappellent un passé mais qui pèsent peu face aux westerns pour ou contre les indiens. Les plus rands historiens du pays ont souvent préféré étudier l’histoire… de France. Inversement en Europe l’histoire est partout sauf que le modèle US étant de plus en plus présent, la connaissance historique est en recul, voire ridiculisée. Seul l’avenir compte ! L’Amérique latine aussi se distingue des USA sur ce point, chaque ville ou village ayant sa flopée de statues et puisqu’il est question d’esclavagistes que faire des statues de Bolivar qui avait 1000 esclaves avant de les libérer.

2)    L’histoire version connaissance

Pendant longtemps les classes dominantes ont interdit la connaissance au peuple, mais à partir des années 1930, petit à petit les luttes sociales et les évolutions économiques ont permis la scolarisation et la connaissance est devenue un facteur de développement social. Mais voulant reprendre le pouvoir les classes dominantes mettent tout en œuvre depuis les années 1980 pour détruire les connaissances sur la base du relativisme : les trois axes de cette destruction touchent les mathématiques, la philosophie et l’histoire. L’ignorance en la matière fait parfois peur à voir et la destruction des statues n’est pas de nature à changer la tendance. Au risque de choquer j’indique que le code noir fut, à son époque une avancée sociale si bien que les esclavagistes refusaient de l’appliquer. J’ai beaucoup étudié la question dans le cadre de l’île Maurice où d’ailleurs il y a un musée de l’esclavagisme très bien fait (quand les Noirs ont été libérés, des contrats ont été faits avec des Indiens qui n’étaient pas mieux que le statut d’esclave). Mais revenons au sujet.

3)    Les statues et leur fonction

Les vainqueurs se servent de l’histoire pour asseoir leurs victoires. Voilà pourquoi le régime de Vichy fut le champion en matière de destruction des statues sous prétexte de récupération du bronze. Et les statues détruites n’étaient pas choisies au hasard : scientifiques (Fermat chez nous), philosophes (Montaigne ailleurs), des romanciers (Cladel a été victime d’une telle opération).

J’ai évoqué le cas de la statue de Bugeaud qui a donné lieu à une polémique suite à une action aux USA (étrange coïncidence ?). Le démolisseur en chef de cette statue écrit ceci : « En vertu du Droit international tel qu’il existe aujourd’hui, ce personnage serait considéré comme un criminel de guerre. »

Juger le passé à la lumière du présent est un bon moyen de diffuser l’ignorance chère aux classes dominantes. Oui, Bugeaud fut en Algérie un général odieux et le fait qu’il ait été célébré par Vichy ne change rien à l’histoire. Puisque statue il y a, l’historien doit plaider pour changer le texte de la plaque qui l’honore, et pour inciter à aller voir celle de La Boétie à quelques kilomètres de là. La statue ce n’est pas seulement le personnage mais l’histoire depuis le personnage. Il existe une statue qui ne pourra pas être déboulonnée, c’est celle de Robespierre, elle n’existe pas. J-P Damaggio

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