La nation, le local et la politique

A partir des années 80 les grandes institutions de la démocratie ont été poussées vers l'émiettement. Les syndicats, les institutions d'éducation populaire comme la Ligue de l'enseignement, les parti politiques etc. On me répondra que l'UMP est née pour lutter contre cet émiettement mais c'est devenu un émiettement interne. Dans le même temps les grandes entités économiques n'ont fait que se concentrer de plus en plus. Et les deux phénomènes sont liés : moins la politique est forte plus l'économique s'impose. C'est ce que j'appelle le capitalisme féodal.

Dans le même temps, de cette situation sont nés deux partis politiques de façon radicalement opposé. Le Front national pour restaurer le poids du national et les Verts qui ont fédéré des milliers d'actions associatives suite à la candidature de Waechter en 1988 sur une base que l'on connaît : ni droite ni gauche.

Le succès de la campagne de Mélenchon tient à cette volonté de restauration du national.

L'élection présidentielle comme toute réalité est traversée d'une contradiction pas toujours prise dans sa globalité : d'un côté la monarchie présidentielle et de l'autre la construction d'une pensée nationale. Les lecteurs de ce blog peuvent le vérifier, j'ai toujours mis en garde contre la tendance bonapartiste de Mélenchon (à ne pas confondre avec le bonapartisme intégral du FN) mais en même temps comment ne pas constater qu'il a su alimenter la construction d'une pensée nationale ?

Pour moi le tournant de sa campagne c'est quand au soir de la marche à Paris, toutes les télés ont montré les drapeaux tricolores brandis par la foule. Je sais que dans une certaine gauche ce drapeau est celui des "fascistes" à qui il faut le laisser. Ou alors le drapeau des soutiens de l'équipe de France. La symbolique de tout drapeau est forte et particulièrement celle du drapeau tricolore. Elle est avant tout politique (une personne une fois y a imprimé le sigle FI). Elle signifie que le candidat ne se bat pas pour le drapeau de son parti mais pour la France. Quand les insoumis brandissent ce drapeau c'est pour la France; quand les membres du FN font de même c'est pour eux.

 Depuis des années le local avait pris le dessus sur le national or en politique le local est de toute façon à la remorque du national même chez ceux qui voudraient nous faire croire que le national est absorbé par l'Europe ! Et ls habitants saisissent cette évidence. Electrices et électeurs ne s'y trompent pas  : ils se mobilisent fortement pour la présidentielle à cause des médias mais aussi à cause des enjeux.

 Oui mais là où il n'y a pas de présidentielle ? En Espagne celui qui conduit les listes aux législatives est l'équivalent d'un futur président mais dans ce contexte, les législatives n'occupent pas une place inférieure mais sont à égalité avec le choix du "président".

 Toute la question des suites de la France insoumise tient dans la capacité ou non de Mélenchon à oublier sa tendance bonapartiste au profit d'une dialectique plus subtile entre base et sommet.

Pour ceux qui ne le sauraient pas la France insoumise est un copier-coller de Podemos en Espagne. Quand, au Parlement européen de 2014, Mélenchon qui connaît l'espagnol, a vu arriver les élus de Podemos, il n'a pu qu'être fasciné, car ce mouvement avait réussi ce dont il rêvait depuis la lutte pour le NON au TCE. En Espagne, Podemos tente de garder au premier plan sa dimension nationale au-dessus des nationalismes divers. Pour la Catalogne, Podemos défend donc cette double position : NON à l'indépendance, OUI au choix par le peuple catalan.

La France ne connaît pas ce problème mais en connaît deux autres :

- la dérive de la centralisation vers le centralisme.

- la dérive de la défense de la nation en nationalisme.

A suivre. J-P Damaggio