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Vie de La Brochure
23 juillet 2023

Olympe de Gouges et Florence Gautier

Je viens de relire sur le site de Moissac au cœur le texte ancien et à charge de Florence Gautier contre « la mystification Olympe de Gouges » appuyé par quelques lignes de Danielle Bleitrach. J’ai déjà donné ce texte mais avec l’article auquel il répond pour que le lecteur se fasse son idée. J’écrivais alors que j’étais plutôt d’accord avec Florence Gautier avec cependant des points de désaccord.

Jeanbon Saint-André, comme pour Robespierre et tous les personnages de la Révolution continuent d’être au cœur de débats contradictoires… et les uns plus que les autres. Qui en décide ? L’idéologie dominante qui faisant par exemple de Robespierre un bouc émissaire oblige les défenseurs de Robespierre à contre-attaquer. Prenons le cas de Barrère largement oublié alors que son combat est souvent si éclairant…

Les temps féministes ont sorti de l’oubli Olympe de Gouges qui de ce fait est à son tour entré dans des débats contradictoires. Et sur ce point comment ne pas remercier Olivier Blanc ?

Pour ma part, à partir de l’histoire locale j’ai travaillé à poser les termes des dites contradictions. J’ai commencé en croyant épauler Félix Castan qui avait prétendu qu’à Montauban un Montagnard avait été défenseur de la langue d’oc et j’ai découvert qu’il y avait eu confusion sur le nom : le Gautier en question qui s’appelait Gautier-Sauzin était en fait… un Girondin. Félix Castan n’a jamais réagi à mon étude publiée dès 1985. Par la suite j’ai travaillé à l’étude des sans-culottes de Montauban à partir de fabuleux dossiers des archives départementales. J’y ai croisé la présence de femmes présentes mais marginalisées dans les tribunes de la société populaire et j’en arrive à Olympe de Gouges.

 Olympe de Gouges à Montauban

Défendue par le communistes Félix Castan en publiant l’ensemble de son œuvre, et, depuis son arrivée à la mairie de Montauban en 2001 par Brigitte Barèges à travers des Journées Olympe de Gouges. Un mouvement est né pour Olympe au Panthéon avec l’appui sur l’Humanité de Geneviève Fraysse. Geneviève Fraisse dans l’Humanité

J’ai apporté ma part à l’édifice depuis 2008 en éditant deux textes d’Olympe avec une préface éclairante de René Merle en accès gratuit, Lettre au peuple et remarques patriotiques puis un livre inédit des préfaces d’Olympe à ses œuvres, avec en plus une réédition des études anciennes de trois Montalbanais : Mary-Lafon, Edouard Forestié, Raoul Verfeuil. La contradiction était poussée à son maximum quand on se souvient que politiquement Forestié et Verfeuil était aux antipodes. J’ai même préparé un livre inachevé sur Olympe aux Amériques.

Je reviens avec plus de précisions sur mon commentaire concernant les deux écrits. Florence Gautier dénonce la mystification autour d’Olympe, avec souvent de justes arguments mais en proposant une histoire parfois mystifiée de la Révolution.

Elle ose célébrer les assemblées primaires des Etats Généraux où les femmes auraient eu leur mot à dire.

« Cette tradition du vote des femmes dans les assemblées primaires connut, à partir de la convocation des États généraux de 1789, un réveil remarquable dans tout le pays et le mouvement populaire, formé des deux sexes, en fit très vite l’institution démocratique par excellence de la Révolution. Les assemblées primaires, réorganisées en 1790 en communes villageoises et en sections de communes dans les grandes villes, continuèrent de se réunir de leur propre chef, pour discuter de la situation, participer aux débats, organiser manifestations et grandes journées, en un mot, construire une souveraineté populaire effective. »

Je ne vais pas développer le fait qu’en son fondement les Etats généraux étaient anti-démocratiques ce qui fait que les femmes pouvaient bien s’y exprimer mais pour quel résultat ? De ce tableau idyllique on s’étonne qu’il ait fallu ensuite 150 ans pour que les femmes accèdent en France au droit de vote ! Et impossible d’accuser de ce retard la droite qui dès 1919 plaide pour ce droit en pensant que le vote des femmes lui serait bénéfique. Je dis même qu’avec un vote censitaire masculin en 1791, nous sommes face à une révolution de la participation populaire dans le cadre d’assemblées qui ne se réunissaient plus tous les siècles sur convocation du roi. Florence Gautier incite à lire le livre de Godineau que j’ai dans ma bibliothèque les Citoyennes tricoteuses et qui est en effet passionnant car il ne donne pas une histoire mystifiée de la révolution.

 L’universel et les femmes

Je lis Florence Gautier

« Elle a publié son texte le plus intéressant, Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, en septembre 1791… »

Non ce n’est pas son texte le plus intéressant même s’il est devenu un texte de référence. Et Olympe n’a pas écrit qu’une seule pièce de théâtre (je vais y revenir). Je veux bien qu’en français le terme « homme » désigne tout le genre humain et qu’en conséquence la déclaration des droits de l’homme concerne donc aussi les femmes. C’est ainsi qu’au nom de cet universel, quand en 1848 on donne le droit de vote à TOUS les hommes, il a été désigné comme étant le suffrage UNIVERSEL. D’où mon usage d’un oxymore pour le désigner : le suffrage universel masculin (s’il n’est que masculin il n’est pas universel mais par rapport au suffrage censitaire précédent il est universel pour les hommes).

Dire d’Olympe qui veut le droit de vote des femmes qu’elle se contenterait du suffrage censitaire c’est un peu surprenant.

 La question de l’esclavage

Là apparaît l’évocation d’une pièce de théâtre d’Olympe. Je lis Florence Gautier :

« Olympe de Gouges avait réussi à faire jouer sa pièce de théâtre Zamor et Milza en 1789 et fut calomniée par le parti colonial. »

Olympe fut calomnié pour toutes les pièces qu’elle a tenté de faire jouer et d’abord en tant que femme écrivain. Pour Zamor et Milza s’y est ajouté en effet le parti colonial qui a fait interdire la représentation. Oui, Olympe n’est pas pour l’abolition, n’a jamais été pour l’abolition car cette abolition lui semblait dangereuse à mettre en œuvre. Et si des défenseurs d’Olympe disent n’importe quoi à ce sujet, la position d’Olympe était cohérente avec toutes ses pensées. Je pourrais être d’accord avec Florence Gautier pour dire qu’aux yeux d’Olympe la Révolution est allée trop vite. Et qu’en conséquence en faire une pionnière politique n’est pas juste. Mais une pionnière tout de même par tous ses actes très courageux d’écrivaine. Et si elle est guillotinée ce n’est pas pour son féminisme mais pour sa permanente indépendance d’esprit y compris féministe.

Et sur le plan social ?

Florence Gautier ne revient pas sur l’information majeure que donne Myriam Perfetti : Olympe a proposé en détail un impôt sur le revenu. A se placer dans le cadre d’un pouvoir aristocratique constitutionnel comme en Angleterre elle n’a pas peur de s’en prendre à la bourgeoisie qui va refuser cet impôt pendant plus d’un siècle ! N’était-elle pas pionnière sur ce point ? Oui, je défends la révolution montagnarde… en tant que révolution bourgeoise qui avait besoin d’appuis populaires pour s’installer durablement au pouvoir. A défendre les assemblées primaires du féodalisme, Florence Gautier aurait pu aussi défendre les organisations sociales des artisans que la révolution va jeter à bas.

 Conclusion

Je reprends celle de René Merle qui parle d’Olympe au début de la Révolution en situant son combat dans le contexte de l’heure.

« Mais dans l’intervalle, Olympe de Gouge s’est fait remarquer, par une nouvelle intervention. À la mi-décembre 1788, les Remarques patriotiques par la Citoyenne auteur de la Lettre au peuple, témoignent d’un approfondissement et d'un infléchissement de sa réflexion, sous la pression de la crise économique qui frappe cruellement le petit peuple parisien, alors que les riches et la Cour vivent dans le luxe. Sans renier les propositions de la première publication, la brochure réclame un impôt, obligatoire celui-ci, sur ces signes extérieurs de richesse, et la mise en œuvre d’un vaste et novateur programme semi-étatique de solidarité sociale en faveur des plus démunis et des chômeurs. On comprend que pareilles mesures aient pu être rejetées, non seulement par les privilégiés, mais par les représentants bourgeois d’un Tiers sèchement focalisés sur la réforme administrative, et peu enclins à se pencher sur la réalité de la vie populaire. D’ailleurs le même journal de Fontenai attendra février 1789 pour présenter cette nouvelle publication. Alors que, dans la préparation des États Généraux, la tension monte entre le Tiers et les ordres privilégiés, Olympe prend le parti du Tiers, ce Tiers dont Sieyès va bientôt écrire qu’il coïncide à lui seul avec la Nation, dont les privilégiés ne sont qu’inutiles profiteurs. Mais Olympe n’en préconise pas moins l’entente entre les Ordres et non l’affrontement. Les premiers signes avant-coureurs de la révolte sociale lui font deviner combien serait tragique un affrontement civil. Elle en adjure d’autant les privilégiés de céder à la raison et à l’instinct de conservation, s’ils n’ont pas le cœur de céder à l’humanité. Tous propos qui prennent une résonance singulière dans la France de 2009. Et le texte se clôt sur un étrange récit de fiction onirique, présentant un Paris rousseauiste de la Vertu, où la régénération des mœurs est la clé de l’entente sociale et le garant du bonheur populaire. »

Et d’ailleurs Florence Gautier rejette brièvement un point qui unissait Olympe et Robespierre : leur rousseauisme. Mais le débat continue. Sur lancien blog il débuta dès 2009 avec cet article : René Merle et Olympe

J-P Damaggio

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